Mort pour le France

Yves Marie JAFFRÉ  (1878 / 1915)

la "Melpomène" 

la "Décidée"

A   retour de marée                         village de Créhal   V

 

Fils de Julien Marie, né à Lorient en 1842, cultivateur, et de Marie Hélène Philomène TOULLIOU, née en 1846 à Guidel, mariés en janvier 1874 à Ploemeur, Yves Marie JAFFRÉ, est né le 21 février 1878 à Ploemeur (Morbihan), dans le village de Kergoudelec. C'est le 3ème enfant d'une fratrie de 6 enfants, mais l'aîné de fait, 2 enfants nés avant lui sont morts en bas-âge.

 

Ses parents sont cultivateurs, mais Yves est attiré par la mer. Il embarque très tôt pour la pêche, d'abord comme mousse, puis comme matelot à bord des dundees groisillons.

 

Lors de son conseil de recrutement en 1897, il est déjà inscrit maritime sous le matricule n° 1410 / Groix. Son numéro matricule au recru-tement est le 748 / Lorient.

 

Yves Marie effectue son service militaire dans la marine, d'abord au 3ème dépôt des équipages de la flotte à compter du 14 mai 1898. Embarqué sur la frégate "Melpomène" du 11 octobre 1898 au 22 mars 1899 où il fait ses classe, puis sur la canonnière la "Décidée" du 6 septembre 1900 au 8 mars 1902, avec laquelle il participe à la campagne de Chine. Il sera rendu à ses foyers le 19 avril 1902.

 

A peine revenu à la vie civile, et ayant pris goût à la vie militaire et aux colonies, il s'engage le 16 mars 1903 pour la Légion étrangère pour une durée de 5 ans. Il est affecté au 1er régiment en Algérie où il arrive au corps le 26 mars 1903. Après sa formation de légionnaire, il est affecté au 2ème régiment étranger le 1er juillet 1903. Il est en campagne en Algérie du 24 mars au 20 novembre 1903, puis en région saharienne du 21 décembre 1903 au 13 octobre 1904. Il quitte la Légion au bout de 18 mois et réintègre l'inscription maritime le 21 décembre 1904.

 

Il reprend ses activités de marin-pêcheur à Groix, dès son retour à la vie civile. 

 

Yves JAFFRÉ se marie à Groix, avec une groisillonne, née en 1877, Marie Victoire RICOUSSE,  le 4 novembre 1907. Ils résideront à  Créhal et auront deux enfants, le dernier né en novembre 1912.

 

Yves Marie JAFFRÉ décède le 21 novembre 1915, Bar-le-Duc dans la Meuse 

 


Yves Marie JAFFRÉ a plus de 36 ans lorsque la guerre éclate en août 1914. Il est mobilisé, d'abord au 3ème dépôt des équipages de la flotte en tant qu'inscrit maritime. Mais, trop âgé, la marine ne lui offre pas de poste de combat. Il est donc mis à disposition de l'Armée de terre, le 19 décembre 1914. Ancien légionnaire, il a une certaine expérience, mais il passe par un petit stage de remise en forme au 62ème RI, puis est finalement affecté au front au 11 mars 1915, à la 6ème compagnie du 2ème Régiment d'infanterie coloniale (R.I.C.)

 

 

Dans ces combats du Bois Baurain du 14 juillet 1915, le régiment a eu 28 officiers et 1.322 hommes tués, blessés ou disparus dont 7 groisillons Emile Marie BARON, Joseph BERNARDPierre BLANCHARDÉlie EVENYves LANCOPierre LE DREFF, et Eugène STÉPHAN et sans doute de nombreux blessés. Journée noire pour l'île de Groix et à y regarder de plus près, cette attaque n'a servi à rien !!!  Isidore YVON et Yves JAFFRÉ ont échappé à cette tuerie. Étaient-ils membres d'une compagnie plus épargnée ?

 

A la suite de cette saignée, les débris du 2ème R.I.C tiennent toujours, le 15 juillet, le secteur Y, renforcés par quatre compagnies du 155ème R.I.  Le régiment est relevé le 16 et va au repos à la Neuville-au-Pont, où il reste jusqu'au 26 juillet pour se réorganiser.

 

Un bataillon se rend dans le secteur 188 le 27 juillet, relever un bataillon du 5ème R.I.C. dans le centre de résistance A.

 

Le 11 août, le 1er bataillon du 2ème R.I.C., à l'effectif moyen de 160 fusils par compagnie, venait de passer six jours en première ligne dans le centre de résistance A, où il avait eu à repousser une petite attaque allemande, et avait été relevé dans la nuit du 10 au 11 août occupait les abris des Territoriaux et de la Houyettes, lorsque commença l'attaque ennemie sur les centres B et C. Le bataillon se porta à la tranchée du Pavillon en C que les allemands venait de forcer.

 

Vers 9 h. 30, La 1ère compagnie contre-attaqua, à la baïonnette, des Alle-mands qui s'avançaient par un boyau vers nos tranchées en se couvrant par une pluie de pétards. Mais seuls, un officier et 3 hommes  attei-gnirent l'ennemi dans son boyau, le reste de la fraction ayant été arrêté après des pertes relativement fortes par des eux d'une mitrailleuse allemande.

 

 

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...  extrait d'une lettre du marsouin Arsène ALLAIN, écrite à sa mère

 

Yves Marie JAFFRÉ est inhumé dans une tombe individuelle, la n° 981. située dans la Nécropole nationale de Bar-le-Duc (Meuse), 

 

Son acte de décès est transmis à Groix, le jour même de son décès, mais transcrit seulement le 17 juillet 1916.

 

Son nom est gravé sur les monuments mémoriaux de Groix

 

Il sera honoré, à titre posthume, le 29 mars 1920, de la Croix de guerre avec étoile d'argent.

Nécropole Nationale de Bar-le-Duc (Meuse)

J.O. du 29 mars 1920

 

Il rejoint son unité sur le front, probablement avec le contingent de renfort qui arrive le 11 mars 1915, en compagnie de Joseph Marie BARON, Ange CAUDAL, Émile BARON, Joseph Marie BERNARD, Pierre GROSSIN, Pierre BLANCHARD, Élie EVEN, Isidore YVON et Yves LANCO, neuf autres groisillons. Celui-ci se trouve à cette date dans le secteur de Servon (Marne), à l'ouest du massif d'Argonne.  Yves Marie est affecté à la 6ème compagnie (2ème bataillon).

 

Mais revenons un peu en arrière. Le 2ème RIC a son dépôt à Brest, il est membre de la 1ère Brigade Coloniale rattachée à la 3ème Division Coloniale. Il dispose de 3 bataillons.

 

En août 1914, le 2ème RIC participe à la bataille des frontières en Lorraine et en Belgique. Il combat à Rossignol le 22 août. Durant les combats, le régiment perd 2850 hommes mis hors de combat, puis à Villers-sur-Semoy. Là, craignant qu’il tombât au main de l’ennemi, le drapeau du régiment est enfouit en terre par le soldat LE GUIDEC. Il retraite par Cernay-en-Dormois, Ville-sur-Tourbe puis bois de Ville, il combat à la ferme de Touanges et à Servon. 

 

Le régiment est reconstitué le 17 septembre, avec seulement 2 bataillons, suite aux pertes des précédents combats. Il est dans le secteur de Minaucourt, cote 180, Massiges de la fin septembre à novembre. Il passe en Argonne vers le 13 novembre: bois de la Gruerie, le Four-de-Paris, Chaudefontaine, Fontaine-aux-Charmes, puis dans le secteur de Servon de janvier 1915 jusqu’au 16 juin. Durant cette période, le secteur est "calme" avec quand même quelques tués et blessés chaque jour, et le 2ème RIC se relaie tous les 5 jours avec le 1er RIC. Il ne se passe pas d'évènements très importants, sauf le 29 janvier 1915, où le 3ème bataillon est alerté et engagé dans la partie sud-ouest du bois de la Gruerie pour coopérer avec la 40ème D.I. à une contre-attaque dirigée contre les Allemands qui ont pris des tranchées.

 

Après 3 semaines d'un repos bien mérité, du 16 juin au 13 juillet, le régiment se prépare à une nouvelle attaque dans le secteur du bois Baurain. Le 13 juillet au soir, les troupes d'attaque occupent leurs positions de combat, dans le but de les reconnaitre. Le mouvement terminé vers 20 h, les troupes reprennent leurs positions de départ. Le 14 juillet, à 4 h du matin, les bataillons d'assaut sont à leurs postes. A 8 h15, ils s'élancent à l'assaut des positions ennemies...

 

... Pour la suite de la description de l'attaque voir le fiche d'Émile Marie BARON

   

Par la suite une section de la 2ème compagnie, fut appelée de la tranchée dite de « Réserve » au fuseau C1 pour renforcer le 6ème colonial, et maintenir ainsi la liaison avec B3. Dans l'après-midi, une section de la 1ère compagnie s'installait dans les trous d'obus et rétablissait ainsi la liaison entre C1 et C2. Dès ce moment, une ligne continue reliait B3 à C3 et la fin de la journée se marquait par le gain en C3 de quelques éléments de boyaux conquis à coups de pétards et l'organisation dans ce même fuseau de quelques barrages défensifs.

 

Le 12 août, des ordres d'attaque vigoureuse et rapide, furent donnés pour que l'ennemi fatigué n'ait pas le temps de se ressaisir et de s'organiser défensivement, Ce fut une attaque à coups de pétards sur chacune des extrémités du boyau et une attaque de front venant de l'est sur le boyau.

Elles furent exécutées vers 2 h. 45.

 

La première tentative exécutée pourtant avec énergie, échoue : l'attaque du barrage nord, qui était la plus facile, manquait de bons grenadiers. L'attaque du barrage sud se heurta à une organisation défensive sérieuse (blockhaus, mitrailleuse, lance-bombes) l'attaque de front progressa jusqu'au layon Servon-Bagatelle, fit, en subissant des pertes, un deuxiè-me bond, jusqu'à une ligne jalonnée par des trous d'obus, mais ne put dépasser cette ligne au delà de laquelle se trouve une zone difficile d'arbres abattus et hachés par les obus et où les assaillants recevaient du boyau ennemi, une avalanche de grenades, pétards, bombes et rafales de mitrailleuses. Une deuxième attaque sur ce boyau fut faite vers 14 h qui échoua pour les mêmes raisons que le matin. Le groupe d'attaque se replia dans sa tranchée de départ, tout en se couvrant par des postes installés au layon Servon-Bagatelle. Il avait subi de fortes pertes. Dans la nuit du 12 au 13, une troisième attaque fut conduite sur la partie centrale et la partie sud du boyau; elle subit le même sort que les deux premières.

 

Il fut prescrivit alors de renoncer à toute attaque de front, de n'attaquer que par les barrages et de commencer, contre le barrage sud, une galerie de mine. Pendant toute la journée du 13 et la nuit du 13 au 14, les troupes restent sur les mêmes positions. L'ennemi bombarde violemment les lignes. L'artillerie française artillerie fait défaut. La relève a lieu dans la nuit du 13 au 14.

 

 

Selon sa fiche matricule, Yves Marie JAFFRÉ est blessé, le 13 août 1915, lors de ces combats. Après un bref passage dans une ambulance de premier secours, près du front, il est évacué vers un hôpital à l'arrière. Pour lui ce sera l'hôpital mixte de Bar-le-Duc.

 

Il y reste trois mois, mais malgré tous les soins prodigués, la blessure est trop grave et il décède, des suites de ses blessures, le 21 novembre 1915, à une heure du matin. Il a plus de 37 ans et il laisse une épouse et deux enfants dont le plus jeune est âgé d' à peine 3 ans.

 

acte de décès de Y.M. JAFFRÉ