Mort pour la France

Joseph Marie L'(H)INGRAT  (1892/1917)

 

Enfant naturel de Marie LE (H)INGRAT, journalière, née en mai 1864 à Mellionnec, Joseph Marie L'(H)INGRAT est né le 26 septembre 1892 à Mellionnec dans les Côtes d'Armor, au centre de la Bretagne, non loin de Guéméné /Scorff (Morbihan).

 

Lorsqu'il passe devant la commission de recrutement à Port-Louis en 1912, il déclare être jardinier et résider avec sa mère à Groix (Morbihan), probablement chez son cousin Joseph HERPE marié à une groisillonne, Marie Jeanne DERRIEN. Son n° matricule est le 685 / Lorient. Il est déclaré bon pour le service.

 

Il réside au bourg de Loctudy.

 

Il est incorporé pour son service militaire le 10 octobre 1913 à la 11ème section des commis et ouvriers (11ème S.C.O.A.), à Nantes (Loire Atlantique)

 

Joseph Marie L'(H)INGRAT décède le 17 avril 1917, sur la commune de Berry-au Bac (Aisne).

 

 

 

 


A la déclaration de guerre en août 1914, Joseph Marie L'(H)INGRAT est âgé de 21 ans. Au début de la guerre les hommes des sections furent affecté pour la plupart à des missions d'intendance au sein du XIème corps d'Armées.

 

Les missions à assurer pendant toute la campagne, tant pour administrer que pour équiper et ravitailler les hommes sont multiples et répartis sur tous les
fronts. Le Service des Vivres et le Service de l'Habillement et du Campement, prennent une grande ampleur, des services sont venus s'ajouter tel la fabrication du pain de guerre dans plusieurs biscuiteries de la ville, la fabrication des conserves de viande, le ravitaillement en vin et alcool, en grains et farines, en viande congelée, en essence,  l'organisation de centres de tannage et de fabrication de chaussures, d'un centre de coupe, des services des laines, du jute, etc... Il y a aussi la gestion des
convois de denrées et l'approvisionnement sur les stations magasins et les gares régulatrices; puis les Stations Magasin, les boulangeries de guerre, les entrepôts de bétail,...

 

 

Après ces quelques mois de formation, Joseph est affecté le 5 octobre 1916 au 162ème R.I. habituellement stationné à Cambrai (Nord), mais durant la période de guerre, il s'est replié à Aubusson (Creuse)

 

Quand il rejoint son régiment dans la Somme, celui-ci combat dans le secteur de Rancourt.  Le 25 septembre, c'est l'encerclement de Combles. Le régiment s'élance à l'assaut derrière le 151ème R.I. qui forme la première vague et puis attaque le village de Rancourt. Une compagnie du 1er bataillon contribue puissamment à l'enlèvement du village en faisant tomber la tranchée de Jostow, un centre de résistance très important et où elle capture plus de 120 prisonniers. Puis, le 26, le 162ème part en tête à l'attaque de la tranchée des «Portes de Fer», formidable position défendue par des troupes dont l'énergie farouche et la volonté de tenir coûte que coûte ne fait pas de de doutes. Cette première attaque échoue car plus de 30 mitrailleuses fauchent les vagues d'assaut. Mais le 27, l'attaque reprend. Les fatigues de la veille n'ont en rien diminué l'enthousiasme des hommes, et sur la tranchée de départ on peut entendre dire par les poilus: «Cette fois, on les aura... » De fait, on les a eu presque partout. A gauche, le 2ème bataillon pénètre dans la tranchée; seule l'extrême droite est encore arrêtée par de terribles feux de mitrailleuses auxquels il faut presque uniquement attribuer nos lourdes pertes de ces deux journées. (6 officiers et 126 hommes tués, 11 officiers et 490 hommes blessés et 180 disparus). La bataille de la Somme fut l'occasion de la première citation à l'ordre de l'armée du 162ème R.I.

 

A la suite de cette période, le 162ème R.I. est mis au repos au camp n°12, dans le bois des Célestins à 2 km, au delà du fleuve Somme, au nord de Cérisy. le régiment reçoit deux contingent de renfort; un premier de 107 hommes le 2 octobre et un second de 397 hommes le 7 octobre, celui de Joseph Marie L'(H)INGRAT. Le 17 octobre le 162ème remonte en ligne dans le secteur nord Rancourt / sud Sailly Saillisel. Les hommes subissent des bombardements intermittents, qui font quelques victimes et surtout désorganisent les tranchées à quoi se mêle la pluie qui rend tout le secteur très pénible. Le 21, c'est le froid et les obus asphyxiants qui se mettent dans la partie. Le 23 octobre , le 151ème RI réalise une attaque sur le bois St Pierre Vaast. Les hommes du162ème sont exténués, le manque d'abris et l'humidité grandissante accentuent le problème. Entre le 17 et le 24 octobre 46 hommes sont tués, 132 sont blessés, 49 sont évacués pour maladie et 65 pour oedème et intoxication, 17 disparus. Au total plus de 310 hommes mis hors de combat.

 

Les jours suivants l'hémorragie (maladie, blessés,...) des hommes continue. Le régiment est relevé le 3 novembre. Il ne compte plus que 46 officiers et 1629 hommes de troupe sur un effectif théorique de plus de 3000 hommes

 

un régiment descend des premières lignes (bataille de la Somme)

 

Le 4 décembre, le régiment monte en ligne dans le secteur au nord de Pontavert: Bois des Buttes / Bois Franco-Allemand. Le secteur semble calme. Les bataillons roulent alternativement en première et seconde ligne.

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Le régiment se livre essentiellement à des travaux, jusqu'au 5 février 1917, date à la quelle il est relevé pour aller cantonner dans plusieurs communes au sud-est de Chateau-Thierry  (Courboin, Viffort, Montlevon) où le régiment reste au repos jusqu'au 27 février.

 

Le 7 août 1916, Joseph est transféré, et il est affecté au 144ème R.I. sans doute pour un période de formation aux "arts de la guerre". Le dépôt du 144ème se trouve à Bordeaux dans les casernes Xaintrailles et Boudet, mais c'est plus probablement dans le camp de Souge (commune de Martignas /Jalle) que Joseph L'(H)INGRAT effectue son entraînement.

 

 

Le 162ème R.I. appartient habituellement à la 84ème Brigade d'infanterie; 42ème Division d'Infanterie; 6ème Corps d'Armée, mais en décembre 1916, il est transféré à la 69ème D.I. (37ème C.A.).

Au début de la guerre le 162ème R.I. en couverture a participé à la bataille du Bois de Grand-Champ sur la commune de Pierrepont (Meurthe et Moselle) où il a perdu 700 h puis à celle du château et et de la ferme de Remenoncourt, le 24 août. Après avoir effectué sa retraite avec les 3ème et 4ème Armées, il participe  à la Bataille de la Marne dans le secteur de Saint-Prix et de Soizy aux Bois durant laquelle il perd 900 h. Dans la poursuite des allemand, il arrive à Mourmelon le 13 septembre, on le retrouve dans le secteur de Reims, au fort de la Pompelle en septembre et octobre. Transporté en Belgique, il participe à la bataille des Flandres: Nieuport, cote 60, Zillebecke, Steenstraate durant les mois de novembre et décembre. Là encore ses pertes sont considérables (1000 hommes mis au de combat)

De janvier à juillet 1915, il tient le front dans la forêt d'Agonne: bois de la Gruerie, La Harazée, Fontaine-Madame, le Ravin Sec, puis il participe à la Bataille de Champagne du 25 au 30 septembre : secteur de St Hilaire le Grand, attaque de la Butte du Mesnil, bois 372.

Comme beaucoup de régiments il participe à la Bataille de Verdun: secteur Bras-Louvemont en mars, puis le Mort-Homme en avril,  et Thiaucourt en mai De juin à août 1916 il tient le front dans la forêt de Paroy, en Lorraine.

 

 

Retour au camp n°12 du Bois des Célestins. puis déplacement sur Gournay-en -Bray pour une période de repos. Après avoir reçu trois contingents de renfort de 176 hommes (le 5 novembre), de 48 hommes (le 10) et de 490 hommes (le 12), le régiment est transporté le 13 novembre jusqu'à Epernay et s'installe à Moussy et Tinay pour une période d'instruction qui dure jusqu'au 29 novembre, date à laquelle le régiment passe à la 69ème Division et se transporte à Romigny (à l'ouest de Reims), puis plus au nord dans le secteur de Montigny s/Vesle.

 

 

 

Le 28 février 1917, le 162ème R.I. cantonne à Ville en Tardenois, puis le 4 mars il se rend à Cormicy  dans le but de rentrer en secteur.


 

Depuis la fin du mois de janvier, l'État-Major préparait la grande offensive du Chemin des Dames. Des territoriaux en nombre travaillaient à l'arrière de nos positions, créant des routes, des voies de chemins de fer. Les artilleurs installaient leurs batteries un peu partout. Les régions boisées entre la Vesle et le canal latéral à l'Aisne ne formaient qu'un vaste camp, d'Hervelon à Hermonville, d'Hermonville à Châlons-le-Vergeur, des bois Blancs au bois de Gernicourt, aux bois des Geais et des Pies, entre Guyencourt, Bouffignereux, Gernicourt et Coimicy. Les crêtes qui dominent la vallée de l'Aisne entre Gernicourt (face à la ferme du Choléra), et la ferme de Moscou (face à Berry-au-Bac), se transformaient en forteresses sillonnées de boyaux, peuplées d'abris, de postes...

 

Dans la nuit du 5 au 6 mars le régiment monte en ligne; le 2ème bataillon dans le secteur de Sapigneul et le 1er dans le secteur de la ferme de Moscou. Jusqu'au 12 ce sont les duels d'artillerie qui prévalent, mais le 13 mars, les allemands tentent un coup de main sur le secteur de Sapigneul, sans conséquences sérieuses.

 

Le 14 mars le régiment est relevé. Le 18 mars, le 3ème bataillon prend la relève dans le secteur de Berry-au-Bac et le 1er dans celui du Choléra. Le 1er avril tout le régiment est relevé et cantonne à l'arrière.

 

Du 4 au 6 avril le régiment participe à des contre-attaques dans le secteur de Sapigneul. Le 8, le régiment est relevé et va cantonné dans la région de Branscourt.

 

Le 12 avril, le régiment se porte au camp de Vaux-Varennes.

 

Le 14 avril, le régiment prend position devant la courtine du Choléra.

L'attaque était prévue pour le 14 avril, puis au 15 avril et nouvel ajournement : le jour J devenait le 16 avril, 6 h. La 69ème division, qui comprenait les 151ème, 162ème et 267ème régiments d'infanterie, se trouvait à la ferme du Choléra et devait atteindre Juvincourt, puis obliquer à l'est et marcher sur Prouvais.

 

 

Cependant, du Choléra à Berry-au-Bac, les soldats du 32ème Corps d'Armée triomphaient. Dès 8 h, les 3 premières lignes de «stollen» étaient conquises. A 10 h, l'avance réalisée était, dans cette partie, de plus de 3 km. Et pourtant la température n’était pas favorable. Il tombait une pluie fine, le sol était marécageux et collant. Il faut dire que les obus avaient tait à assez larges brèches dans les réseaux de fils de fer boches. La progression s'effectua rapide et les soldats ne rencontrèrent pas grande résistance. La 69ème division (151ème, 162ème et 267ème régiments d'infanterie) s'empara des fortifications de la ferme du Choléra et atteignit la Miette dont elle longea le cours jusqu'à la ferme Mauchamp. Ils progressèrent jusqu'au bois, au sud de Juvincourt, qui renfermait d'abondants nids de mitrailleuses. Là, les combats furent particulièrement meurtriers et les troupes furent arrêtées dans leur marche en avant. Mais elles purent continuer leur avance à l'est et aborder le bois Claque-Dents, au sud de Prouvais. Dès 13h30 les allemands lancent de nombreuses contre-attaques.

 

quelques soldats du 162ème R.I.

 

Joseph Marie L'(H)INGRAT est tué au combat, face à l'ennemi, Mort pour la France, au cours de cette attaque. Il est porté disparu. Officiellement sa mort est fixée par un jugement déclaratif du tribunal de Lorient, réuni le 23 décembre 1921, à la date du 17 avril 1917. (A-t-il été tué le 16 ou le 17 avril ?, il est probable que les autorités de son régiment l'ignorent)

 

Le jugement de décès est transcrit sur le registre de la commune de Groix à la date du 13 janvier 1922.

 

Il avait 24 ans et quelques mois et il était célibataire.

 

Après les événements, son corps n'a pas été retrouvé, ou s'il a été retrouvé, il n'a pu être identifié. Il se trouve donc probablement dans l'un des ossuaires situés dans l'une des Nécropoles nationales situées à proximité du champ de bataille, celle de Pontavert ou plus surement celle de Berry-au-Bac. La nécropole nationale de Berry-au-Bac, autrefois appelée le «cimetière militaire de Moscou» parce que situé dans le hameau de Moscou. Edifiée en 1919 et aménagée jusqu’en 1925, cette nécropole abrite 3 933 français, 2 014 sont en tombes individuelles et 1 958 dans deux ossuaires.

 

jugement valant acte de décès dans le registre d'État-civil de Groix

 

extrait du J.O. en date du 18 avril 1923

 

extrait de la plaque mémorielle située dans l'Église du bourg à Groix

 

la Monument au Morts, place du bourg de loctudy

 

 

                                                l'ossuaire du la Nécropole nationale de Berry-au-Bac  >>>

 

en bleu, les allemands en mars/avril 1917, en rouge les secteurs tenus par le 162ème RI

 

Dans la nuit du 15 au 16 avril, en prévision d'une avance importante, on massa des régiments de cavalerie à la lisière des bois de Gernicourt. La 1ère Armée se tenait prête à venir exploiter le succès et à s'intercaler entre les 5ème et 6ème Armées. Des tanks, péniblement amenés sur les bords de l'Aisne, partirent à l'assaut au signal de l'attaque. Ils s'élancèrent dans la plaine qui relie l'Aisne à la Miette, en même temps que nos soldats sortaient des tranchées et marchaient sur les positions ennemies. Depuis 5 jours, l'artillerie crachait sans arrêt, démolissant les réseaux de barbelés, s'efforçant de détruire les «stollen» et casemates cimentées des Allemands. On sait ce qu'il advint de la douzaine de petits tanks qui, sur ce point, arrivèrent aux bords de la Miette. Les 2/3 furent détruits par l'ennemi, prirent feu, et leurs servants furent brûlés vifs. Les trois/quatre qui échappèrent à ce massacre ne purent accomplir oeuvre utile.

 

Le 162ème RI est constitué en 4 vagues, la première avec le 1er bataillon, la seconde avec le 2ème bataillon et les servants d'un canon de 37mm, la troisième avec le 3ème bataillon et la dernière avec les pionniers et la section du génie. A 6h pile le 1er bataillon sort des tranchées à l'assaut de la courtine du Choléra. à 11h30, la ferme de Mauchamp est occupée.

 

avancée du 162ème R.I.

La 40ème division se fit écraser sur place, sans pouvoir avancer. En revanche, la 69ème (151ème, 162ème et 267ème régiments d'infanterie) et  la 165ème division (154ème, 155ème et 287ème régiments d'infanterie) avancèrent considérablement dès les premières heures de l'attaque; et, si elles durent reculer en partie, c'est qu'à leur droite comme à leur gauche des éléments n'avaient que peu ou pas du tout progressé. Mais, rapidement décimée et désorganisée par la mort de la plupart des officiers, la 40ème division ne put résister à une violente contre attaque, et il lui fallut regagner les tranchées de départ. Les autres divisions durent reculer pour ne pas être pris de flanc.

 

Les pertes en hommes de troupe du régiment pour les 3 journées (16 au 18 avril) sont de 36 morts, 315 blessés, 556 sans nouvelles et 3 évacués pour maladie

 

A quelle compagnie du 162ème RI appartenait Joseph, nous ne le savons pas, mais il fait partie ceux dont on dit pudiquement dans le J.M.O. qu'on est sans nouvelles...

 

 

Durant les jours qui suivirent, il n'y eut pas de changements appréciables dans le secteur. De furieuses contre-attaques allemandes furent quand même arrêtées. Les troupes essayèrent de progresser à la grenade (région de la cote 108) A plus de 8 reprises, elles avancèrent de quelques centaines de mètres, au prix de pertes élevées. Chaque fois, les Allemands nous firent revenir sur nos positions. La grosse contre-attaque qui suivit l'offensive du 16 avril, se déroula le 18 avril et eut pour théâtre principal le bois situé au sud de Juvincourt, dans lequel l'ennemi était formidablement retranché et dont les français tenaient les lisières. Grâce à une puissante intervention des 75, et grâce aux mitrailleuses, cette contre-attaque fut brisée.

 

"Mort pour la France" le nom de Joseph Marie L'(H)INGRAT est gravé sur les monuments mémoriels de la commune de Groix.

 

Il est honoré à titre posthume par l'attribution d'une Croix de Guerre orné d'une étoile de bronze  (J.O. du 18 avril 1923).