Les origines géologiques ? Île, pas île ? Merveille géologique ?

L'île comme toute notre planète est le résultat d'un long processus géologique. Toutefois l'île est un "phénomène" étudié par le monde entier. Voici son histoire "rocambolesque".

 

Les aventures d'Armorica

 

Au milieu de l'ère primaire, il y a 400 millions d'années, 4 blocs continentaux, qui correspondent en gros à nos continents (et provenant d'un ensemble précédent: la Pangée) flottent sous l'équateur, sur un immense Océan: au nord, Laurentia (le Canada et l'Amérique du Nord), au nord-est Baltica (l'Europe du Nord), très au sud, Gondwana (l'Afrique), et juste au-dessus de ce dernier, Armorica (notre Europe occidentale avec un morceau de l'Angleterre), entre 50 et 60 de latitude. Ils n'en ont pourtant ni les formes ni les étendues d'aujourd'hui. Les terres émergées de ces blocs sont des conglomérats hétéroclites, parcourus de fleuves, et où croupissent des mers intérieures.

 

Ainsi Armorica, le socle armoricain, datant du précambrien (600 millions d'années) plus vaste que celui d'aujourd'hui (en partie enfoui sous la mer, entre 10 et 60 kilomètres du rivage actuel), depuis le Cotentin jusqu'à l'île de Ré (Nominoë avait bien raison de vouloir récupérer la presqu'île normande et le marais poitevin), possédait une mer intérieure dont il a été trouvé trace.

 

Nos 4 continents voyageurs vadrouillent, lanternent, tout en remontant vers le nord comme s'ils cherchaient à se réchauffer (il gèle à pierre fendre en Gondwana et en Armorica)... Au cours de cette longue balade, entre la fin du Silurien et le Dévonien (400 millions d'années), étages géologiques du primaire, alors que la surface de la terre commence à verdir (apparition des fougères et des mousses, végétaux qui vont inciter les premiers invertébrés à sortir de l'élément aquatique), que dans les océans, il y a explosion de vertébrés, ancêtres de nos poissons (mais aussi des hommes), survient une collision entre 2 continents. Ce n'est pas la première fois que cela arrivait. Il y en avait déjà eu une, retentissante, 150 millions d'années plus tôt, mais elle avait eu lieu plus au nord, entre la Bretagne septentrionale et le sud de l'Angleterre. Cette fois-ci, c'est au sud qu'elle survient. Au cours de cet accident, sous une forte pression à température relativement basse, un morceau du fond de lapétus, (masse de basaltes très durs) est expulsé depuis une profondeur de 30 kilomètres vers la surface, incorporant des roches qui apparaîtront sans altération sur l'autre continent.

 

Armorica finit par s'accoler à Baltica et Laurentia. C'est de cet ensemble que vont naître, après des millions et des millions d'années d'évolution, l'Europe et l'Amérique, qui après l'avoir bien vampirisée laisseront la pauvre Gondwana, voguer seule en dessous d'eux. Cette immense faille, tout le long du littoral sud de Bretagne, nous prouve que le Vannetais est un bout d'Espagne. Et puis, il y a Groix, l'île d'aujourd'hui qui est un morceau de cet océan qui, après la collision, et à la fin de la rencontre des 3 blocs, s'est esquivé. Mais, il laisse un indice: Groix et ce minuscule bois de Céné, dans le pays de Nantes, où affleurent des schistes bleus, présents seulement dans une dizaine d'autres endroits du globe.

 

 

Ce morceau de fond d'océan, enfoui après la collision sous une chaîne de montagnes, comment deviendra-t-il une île ? La dérive des continents, (la tectonique des plaques), explique que les continents ne naviguent plus sur le "sima", mais qu'ils s'y déplacent comme des troncs dans une banquise. Après l'ère primaire, époque de l'explosion, viendra l'ère secondaire, les continents continuent à se détacher et à s'éloigner les uns des autres. Tout au long des diverses étapes du tertiaire des événements importants pour la future île se déroulera: apparition des phoques et des baleines à l'Éocène (50 millions d'années), naissance des dormeurs, "toulroux" (araignées de mer), "gorelles" (étrilles) et autres crustacés, moules et bigorneaux à l'Oligocène (40 millions d'années), alors qu'au Miocène (15 millions d'années) le nombre d'espèces de poissons osseux augmente considérablement et que les requins deviennent gigantesques (parfois 18 m de long et ont des dents de 15 cm). Par bonheur, durant la dernière période du tertiaire, le Pliocène (4 millions d'années) la race de ces monstres de la mer s'éteindra. 

C'est au cours du tertiaire que des événements tectoniques créent un axe anticlinal en Armorique, une échine rocheuse dont les vestiges s'étendent aujourd'hui encore des Glénan à l'embouchure de la Loire. Cette dorsale, bientôt tronçonnée par les fleuves côtiers, fait naître des blocs, dont l'un d'eux, après l'Éocène, (époque où l'écorce terrestre subit de grands bouleversements, à l'origine de la formation des Alpes), sera soulevé entre les failles. Ce bloc soulevé, ce horst comme le nomment les géographes, qui subira des érodements importants sera submergé à de multiples reprises par la mer.

 

Au quaternaire (ère qui démarre, il y a 3 millions d'années), divisé en 2 périodes complètement inégales: un très long pléistocène de plusieurs millions d'années où se succèdent époques glaciaires et réchauffements et un minuscule holocène, notre période contemporaine, placé sous le signe de la post-glaciation depuis 10 à 12 000 ans, notre relique géologique n'est toujours pas une île. Il faudra la succession de périodes glaciaires et de périodes de réchauffement, entraînant des modifications importantes du niveau marin pour que la mer ceinture l'île en noyant la dépression arrière et les vallées fluviales. Lorsque le niveau de la mer baisse, parfois de plus de 100 mètres (lors des glaciations de Riss vers 150 000 ans et de Würm entre 80 000 et 20 000 ans), les vallées se creusent, et lorsqu'elle remonte (comme à l'interglaciaire de l'Eemien), la mer envahit les vallées et crée des rias.

 

Voilà, il fallait ce temps-là et ces "événements", pour que naisse cette île: effondrements, soulèvements, plissements, fractures, etc, coups de chaud suivis de coups de froids, vice-versa... 400 millions d'années d'évolution de toutes ces roches arrivées jusqu'à nous sans profonde altération. Pourquoi cette préservation ? Une interrogation posée par tous les minéralogistes et géologues: l'abbé Guyonvarc'h, natif de l'île, de Limur, Bréon dans les années 1870, François Le Bail, qui s'intéressa dès les années 1950 à la minéralogie groisillonne, en passant par Charles Barrois.

 

Groix, l'île aux grenats ! Elle est tout de suite identifiée au grenat. De sa naissance douloureuse puisque "commotionnelle", elle porte en son sein les stigmates de son origine métamorphique. En résumé, elle est un mélange de divers micaschistes hétérogènes (à grenat, à chlorite et muscovite, à ablite, à chloritoïde, etc...) issus de matériaux de nature continentale (des deux blocs qui se sont rentrés dedans), dans lequel apparaissent, entre les couches, des amphibolites (à glaucophanes, à épidotes, à grenats, à pyroxènes, etc.) qui se sont formées à partir des basaltes océaniques (le fond de notre océan perdu). Une sorte de mille-feuilles géant fourré de douceurs minéralogiques.