Mort pour la France

Paul Marie LE MONGNE (1889/1915)

Fils de Jean François, un journalier, originaire de Guiscriff (Morbihan), né en 1850 et de Marie Françoise Le Bris, originaire de Scaer (Morbihan), née en 1852, mariés à Scaer en 1877, installé à Groix depuis 1885, Paul Marie LE MONGNE est né le 25 mai 1889 à Groix, dans le village de Créhal. C'est le petit dernier d'une fratrie de 5 enfants.

 

Orphelin, sa mère est morte à sa naissance et son père est mort en mer en 1901, le petit Paul Marie apprend tôt le métier de marin; d'abord comme mousse vers l'âge de 12/13 ans puis comme matelot.

 

A l'époque de son conseil de révision en 1908, il est déjà inscrit maritime sous le matricule n° Groix / 1060.

 

Il effectue son service militaire à compter du 14 juin 1909 et il est affecté au 3ème dépôt des équipages de la flotte à Lorient. Il est rendu à sa famille le 14 juin 1910.

 

Il reprend aussitôt ses activités de marin-pêcheur. Il semble être resté célibataire. Il réside au bourg de Loctudy à Groix.

 

Il est surement un peu turbulent et il est condamné en avril 1911, par le tribunal de Bordeaux à 4 mois d'emprisonnement, réha-bilité de droit en vertu de la loi du 5 août 1899 après 10 ans sans autre condamnation.

 

Paul Marie LE MONGNE disparait au combat le 16 juin 1915 au cours de la bataille de Quennevières, sur le territoire de la commune de Moulin-sous-Touvent - Oise 


A la mobilisation, Paul Marie a 25 ans. Matelot sans spécialité, il est mobilisé au 3ème dépôt des équipages de la flotte, mais la Marine n’a pas besoin de bras, pour ses bâtiments, surtout sans expérience. Il est alors transféré à l'Armée de terre et il est affecté à compter du 13 août 1914 au 148ème RI., un régiment qui est habituellement basé dans les Ardennes, mais dont le dépôt, étant en zone de guerre, a été déplacé à Vannes.

 

Après une courte période de préparation, il rejoint son régiment au front dans le secteur Gernicourt / Sapigneul / Berry-au-Bac (Marne) entre le 30 septembre et le 8 novembre 1914. Trois contingents de renfort sont envoyés durant cette période, représentants plus de 1 550 hommes, le 148ème ne disposant plus que de 1250 hommes (sur plus de 3 000h) après ces deux premiers mois de guerre.

 

C'est dans toute cette période s'étendant du 24 septembre à courant octobre qu'eurent  lieu  les combats du Choléra, la prise de la Cote 108 après de multiples engagements qui causèrent au 148ème RI des pertes extrêmement sérieuses en officiers et en hommes. La bataille reprenait tous les jours et des pertes meurtrières étaient enregistrées des deux côtés. C'est au cours de ces combats que le 148ème s'illustra et pour la première fois était cité par le commandant le 1er corps d'armée: « Dans les engagements qui viennent d'avoir lieu dans les environs de Berry-au-Bac et de la Ville-au-Bois, ... ont continué d'affirmer leurs qualités d'endurance et de ténacité. Toutes sans exception seraient à signaler et plus particulièrement certains éléments du ... 148ème Régiment. Un grand nombre de militaires de tous grades ont donné les marques de la bravoure la plus éclatante »

 

Les combats se continuaient et commençait déjà la guerre des mines qui rendit si "célèbre" le secteur de Berry-au-Bac. Dès le 26 octobre, les Allemands font" jouer" une série de mines sur la cote 108 et réussissent à faire sauter la cimenterie occupée, ensevelissant les occupants sauf quelques hommes  qui  parviennent à s'échapper. Les jours suivants, la lutte continue sur la cote 108 malgré une pluie persistante d'obus qui noie les tranchées et les boyaux de communication. Les Allemands creusent et sapent, ils cherchent à avancer par des galeries de mines sous nos tranchées et d'ailleurs le 148ème abandonne cet ouvrage devenu inutilisable par l'ennemi. Pendant cette période, les Allemands détruisent par ce moyen une partie de nos lignes mais nous les réoccupons par la suite avec l'appui de l'artillerie.

 

Au prix de pertes journalières importantes, les hommes firent,  dans  cette  lutte  de plusieurs jours,  le dur apprentissage de la guerre des tranchées, mais, ils firent vaillamment leur devoir et l'ennemi ne put exploiter son succès.

 

la cimenterie

 

On dut évacuer beaucoup d'hommes ayant eu les pieds gelés et devant la persistance du mauvais temps, ordre fut donné de préparer de nouvelles lignes et de nouveaux abris un peu à l'arrière. Un froid intense succéda aux pluies et le 30 janvier, le thermomètre marquait - 10°, l'Aisne charriait des glaçons. Les intempéries n'empêchèrent pas une petite guerre de patrouille au cours de laquelle s'illustrèrent un certain nombre d'hommes.

 

C'est vers la fin de ce séjour qu'eut lieu l'attaque des bois dits du  "Luxembourg" qui fut une tâche excessivement ingrate. Le 148ème RI avait été renforcé pour cette attaque mais le passage à travers les réseaux de barbelés où il n'avait été pratiqué que quelques étroites brèches, dut se faire homme par homme et ils subirent de lourdes pertes. Au cours de cette difficile opération, qui nous coûtait la perte de 250 hommes, dont 6 officiers, beaucoup d'hommes et de gradés se signalèrent par leur bravoure, et le commandant de la 5ème  Armée  les utilisa en attirant sur eux une partie des forces ennemies. Cela permis à l'armée voisine de faire un bond de 2 km sur un front de 3.

 

Comme on peut l'entrevoir sur le recensement des pertes du 16 juin, le 148ème compte la perte de 15 officiers, dont 6 tués ou disparus et de 77 hommes tués, 431 blessés et 177 disparus, dont Paul LE MONGNE décompté dans les disparus sous une orthographe approximative. Il venant d'avoir 26 ans.

 

Le jugement qui entérina son décès eut lieu très tardivement, 20 ans après, au tribunal de Lorient. C'est le 21 mai 1935 qu'il fut déclaré " Mort pour la France" le 16 juin 1915 lors de cette bataille de Quennevières commencée le 6 juin et où périt un autre groisillon Yves GLOAGUEN et qui finit si lamentablement. La ferme de Quennevières se situe sur la commune de Moulin-sous-Touvent, dans l'Oise.

 

Ce jugement fut transcrit dans les registres d'état-civil de la commune de Groix le 15 juin 1935.

 

Son nommé est gravé sur le Monument aux Morts de Groix, mais n'est pas inscrit sur le grand tableau de l'église... les disparus n'ayant pas cet honneur.

 

Si son corps a été retrouvé après tant de bouleversements dans ce secteur, il est probablement inhumé dans l'un des ossuaires de la Nécropole nationale de Tracy-le-Mont (Oise). Cette nécropole de 13.500 m², édifiée en 1920, contient 3.196 corps dont 1.313 en ossuaires. Ces corps proviennent des cimetières provisoires de ... St-Crépin-aux-Bois,... ainsi que des cimetières militaires ... de l'Ecafaut, des Bretons et des Zouaves.

 

 

 

                    Plaque de l'ossuaire de la Nécropole Nationale de Tracy le Mont. >>>>

 

Le 148ème RI appartient à la 8ème Brigade d’Infanterie rattachée à la 4ème Division d’Infanterie (2ème Corps d'Armée). Il est constitué de 3 bataillons

 

En août 1914, il participe à la bataille des frontières en Lorraine et en Belgique. Il participe à la garde des pont de la Meuse (Hastière, Lavaux, Dinan), puis à la fin août, il est dans la région de Charleroi (Anserenne, Crupet, Dinant, Yvoir, château de Beauloy, Onhaye, Anhée). Il retraite à partir du 25 août par Agimont, Doische, Rocroi, Montcornet, Marle, la Fère, Coucy-le-Château, forêt de Coucy, Montmirail. Le régiment va perdre 1/3 de son effectif dans cette retraite. Il participe à la  bataille de la Marne, début septembre, à Morsains, Beauchery, Villiers-Saint-Georges, Montceaux-lès-Provins, Réveillon, Marchais-en-Brie, puis il poursuit les armées allemandes à Juvincourt, Berry-au-Bac (cote 108, la cimenterie, Sapigneul, le Choléra). Le 28 septembre, le régiment ne compte plus que 1250 hommes sur les 3000 soldats du régiment initial.

 

 

Pendant toute cette période, grâce à leurs travaux de mine, les Allemands avaient pu déloger les hommes du 148ème RI  de certaines positions qu'ils  reprirent et qu'ils perdirent à plusieurs reprises. Après des préparations d'artillerie intenses, le 148ème perdit plus de la moitié de ses effectifs mais les survivants opposèrent une résistance acharnée à l'adversaire et l'ennemi fut néanmoins arrêté sur place. 

 

Le Régiment fut alors retiré du front et mis au repos pendant quelques semaines avant d'entreprendre le premier hiver de guerre dans les tranchées. Le 9 décembre; le 148ème RI remontait en ligne et prenait les tranchées entre l'Aisne et la Miette. Pendant un certain temps, les hommes améliorèrent les organisations du secteur et le front relativement calme permit d'entreprendre des travaux assez importants et pendant cette période, les pertes furent légères.

 

Au cours de l'hiver, les pluies continuelles qui tombaient depuis un certain temps finirent  par déterminer une crue des rivières et l'eau envahissait les abris au point que nous fûmes forcés de les abandonner. Dans certains boyaux conduisant vers l'arrière, le niveau d'eau atteignait 80 centimètres à 1,20 mètre. Les hommes stationnaient à découvert dans leurs tranchées ayant de l'eau jusqu'à mi-jambes, et  dans les casemates de mitrailleuses, les servants devaient se tenir couchés sur les plate formes surélevées des pièces. A certains endroits, la situation était pire encore. Malgré le froid et la pluie, tout mouvement était impossible par suite du feu de l'ennemi, les hommes devaient demeurer de longues heures, accroupis derrière les gabions, les pieds dans l'eau, et avec l'arrière, il n'y avait que des  communications  précaires..

 

Le 6 juin, le commandant le régiment fut avisé que le 148ème R.I, serait enlevé en autobus dans la soirée pour être mis à la disposition de la 6ème armée. Après un trajet d'environ 80 km, il arrivait dans  la nuit à destination et, le 15 juin, la 8ème brigade (45ème et 148ème)  était rassemblée en entier à la ferme Ste-Croix.

 

L'attaque des positions allemandes au sud de la ferme de Quennevières du début juin, brillamment réussie, mais exécutée sur un faible front, n'avait pu être exploitée, car le saillant conquis eut été impossible à défendre. Il avait fallu se borner à occuper les anciennes premières lignes allemandes et l'ennemi renforcé réagissait avec violence.

 

Le 15 juin, vers 17 h, les 1er et 2ème bataillons, munis de deux jours de vivres, sont envoyés à la disposition de la 121ème brigade et gagnent le boyau intermédiaire et le boyau d'Ecafaut où ils trouveront des guides. Les ordres seront donnés dans la nuit mais personne ne connaît le secteur à occuper, les officiers, en hâte, précèdent leurs unités pour en effectuer la reconnaissance. Les guides arrivent qui doivent conduire les deux bataillons sur leurs points de départ mais eux-mêmes connaissent mal leur itinéraire et s'égarent, la marche d'approche ne s'effectue qu'avec une extrême lenteur, et pendant ce temps, le bombardement ne cesse pas.

 

Déjà, le 148ème subit des pertes sérieuses et l'attaque doit être retardée, des unités n'ayant pas pu se rendre sur leur position de départ. Depuis le matin, les hommes sont soumis à un feu ininter-rompu et dans les premières lignes, trop proches l'une de l'autre, le combat à la grenade est entamé. Les mortiers de tranchées allemands tirent sur les boyaux de tête et les abris effondrés, sont inutilisables. Sans protection contre les projectiles, incommodés par l'odeur des cadavres qui jonchent les parapets depuis plusieurs jours, les hommes demeurent sous un soleil ardent jusqu'à 15 h. Au moment de l'attaque, nos troupes ont constaté que les réseaux de barbelés ont été laissés intacts par, la préparation d'artillerie.

 

Les mitrailleuses ennemies tirent sans discontinuer, et des hommes disposés au coude à coude attendent l'attaque. Les compagnies d'assaut franchissent les parapets balayés par des rafales de mitrailleuses et ils subissent des pertes extrêmement lourdes, car les hommes sont fauchés au fur et à mesure qu'ils débouchent, à la vue de l'ennemi. Les quelques-uns d'entre eux qui parviennent à franchir les réseaux succombent dans une lutte inégale. De nombreux faits d'héroïsme marquent cette journée, tant par l'ardeur manifestée au combat que par l'esprit de sacrifice qui anima certains hommes, du régiment voulant aller chercher  les  blessés  dans les lignes.

 

Malgré l'ardeur et la vaillance des troupes d'assaut le combat du 16 juin ne procura que de faibles avantages, et cette courte lutte d'à peine 24 h fut la plus meurtrière que le 148ème RI ait eu à soutenir pendant toute la campagne. Paul LE MONGNE succomba durant cette journée.