Mort pour la France

Emile Eugène LE CLAINCHE  1889/1914

L'église de Naizin, où Émile Eugène fut baptisé

cure de Groix

Fils de Louis Marie, menuisier (né en 1837 à Naizin), marié en 1876 avec Jacquette AUDO (née en 1844 à Naizin), sa seconde épouse qu’il a épousé après le décès de sa première, Mathurine AUDO, en 1874, Émile Eugène LE CLAINCHE est né le 23 janvier 1889 à Naizin (Morbihan). Emile a une demi-sœur aînée, Fleur, née du premier mariage de Louis.

 

Naizin est une commune qui fait partie du canton de Locminé. Située à 120 mètres d'altitude et voisine des communes de Moustoir-Remungol et de Kerfourn, il accueille aujourd'hui 1.684 habts (mais en avait 2 200 en 1911) sur une superficie de 41 km² (soit 41 hab/km²). La plus grande ville à proximité de Naizin est Pontivy, située au Nord-Ouest de la commune à 14 km. La rivière "l'Evel", et la rivière de "Belle Chère" traversent le village.

 

A 20 ans en 1909, il est convoqué devant la commission de recrutement à Locminé. Son n° matricule est le 174/Lorient. Il réside à Bubry et exerce la profession d'instituteur "libre".

 

Ajourné en 1910, il effectue son service militaire à compter du 10 octobre 1911, au 103ème régiment d'infanterie dont les canton-nements se trouvent à Paris, d'où il sort avec le grade de caporal, le 25 septembre 1912.

 

Mais que vient donc faire ce "terrien" sur l'Ile de Groix. En fait, il a été instituteur plusieurs années dans une école catholique sur l’île. Il n'était pas prévu qu'il fasse la rentrée en septembre 1914. Ce qui explique que son nom soit inscrit sur la plaque souvenir rappelant les morts de 14/18, au coeur de l'église et pas sur le Monument aux morts.


En juillet 1914, il a 25 ans, il réside depuis octobre 1913 à Groix, à la cure, dans le bourg. Il décèdera le 8 septembre 1914, lors de la bataille de la Marne. L'un de ses frères, Jacques Marie, décèdera lui aussi, à Chalons, en octobre 1915 des suites d'une blessure par éclat d'obus.

 

Deux ans après la fin de son service, le 3 août 1914, il est rappelé, comme beaucoup, et il se rend sans hésiter à la caserne Bisson, à Lorient, le dépôt du 62ème RI.

 

Il est affecté à ce régiment d'active, composé de 3 bataillons de 1.000 hommes chacun. Le 62ème R.I. appartient à la 43ème brigade, elle-même partie intégrante de la 22ème division (11ème C.A).

 

Pour lui, malheureusement, la campagne sera courte. Il part, dès le vendredi 7 août. Le trajet de la caserne à la gare (sous une pluie terrible) est, pour le régiment, une véritable marche triomphale. Une foule émue l'entoure et l'acclame sans discontinuer. Le sous-préfet, la municipalité et toute la popula-tion lorientaise se retrouvent à la gare pour saluer le drapeau et les bataillons qui partent pour la frontière. L'histoire officielle dit que; "les soldats sont animés d'un enthousiasme indescriptible; des cris de joie s'élèvent de toutes parts, on a l'impression que chacun s'apprête à faire consciencieusement son devoir pour défendre le sol sacré de la Patrie menacée et déjà envahie". Etait-il, lui aussi, habité par ce même enthousiasme

 

Les trains réalisent l'itinéraire Nantes, Le Mans, Chartres, contourne Paris, puis Reims, Verdun en plus de 36 h. En cours de route, à Versailles, le régiment apprend la prise de Mulhouse (par les Français). Cette nouvelle soulève de nombreux cris d'enthousiasme.

 

Le dimanche 9, vers 22h., Emile Eugène débarque, au clair de lune, avec ses copains à Châtel-Chéhery (Ardennes); aux confins de la forêt de l'Argonne, près d'Apremont et du funeste bois de la Gruerie dont nous reparlerons. Là commence la longue marche.  

 

Le lundi 10, après une marche de 25 km sous un soleil épouvantable, il cantonne à Germont. La troupe est bien accueillie. Mardi 11, nouvelle marche vers Oches. ils y restent les 11, 12, 13 et 14, au nord de ce village, dans les bois de Besace. Il n'y a pas beaucoup de distractions et pour éviter tout incident, les officiers consignent les débits de boissons. Le samedi 15, le régiment reprend sa marche jusqu'à Noyers (au sud de Sedan). Nouvelle étape de 25 km avec tout le barda sur le dos. Le fantassin porte tout ce qui lui est nécessaire.  

 

 

La longue marche reprend à l'envers. Le dimanche 23, on fait 30 km, le lundi 24, presque autant, le régiment bat en retraite sur la Meuse et se dirige par Illy et Givonne, où il passe le fleuve, puis traverse Sedan sans s'y arrêter. Les hommes cantonnent dans un bois, dans des tranchées à Wadelincourt. L'ordre est donné de mettre en état de défense et d'occuper Wadelincourt et Fresnois avec mission d'interdire les passages de la Meuse. La 10ème compagnie livre une bataille terrible à Cheveuges. Puis, le 62ème reçoit l'ordre de se replier au sud-ouest de Chéhery, encore une "promenade" d"une vingtaine de km. C'est ce qu'on appelle une guerre de mouvement.

 

Le jeudi 27, le régiment se reforme à Malmy où doit être prise une position de repli pour permettre à la Division de se reconstituer. A 13h, reprise de l'offensive, retour en arrière, le 62ème quitte Malmy et se porte par Chéhery dans la direction de Bulson.  Le samedi 29, le 62ème régiment est attaqué dans la nuit, et nouvelle débandade 

Le dimanche 30, repli général vers la Seine. Le 11ème C.A. reprend son mouvement de retraite sur l'Aisne. Le régiment se porte par Mametz /Suzanne où il reçoit l'ordre de contre-attaquer sur Tourteron. Ce mouvement ne peut s'exécuter et le 62ème se porte alors sur Attigny, où il passe l'Aisne, il marche ensuite sur Vaux-Champagne où il bivouaque. Pendant la nuit, il met en état de défense les hauteurs au sud d'Attigny. 

Le lundi 31, à 5h, le 62ème reçoit l'ordre de quitter ses positions et de se porter au nord-est de Pauvres où la 43ème brigade, formant arrière-garde doit s'établir sur 2 lignes: le 62ème à droite, le 116ème vers Pauvres.

 

Le mercredi 2 septembre, le 62ème, soutenu par un groupe d'artillerie, doit tenir Moronvillers. Mais l’ennemi prend le village à 21h. Le régiment, qui a reçu alors l'ordre de se replier, gagne Prosne où il arrive à 23h. et il cantonne. Le jeudi 3, il quitte Prosne à 4h. et se porte par Mourmelon-le-Petit, sur les Grandes Loges.     

Le 7 septembre, ordre est donné au 11ème corps d'armée de maintenir ses positions et d'attaquer l'ennemi: "Avec l'appui de l'artillerie, la 21ème  division d'infanterie s'efforcera de reprendre Morains le Petit-Ecury-Normée. La 22ème division d'infanterie (19ème, 62ème, 116ème, 118ème) appuiera l'attaque de la 21ème division et tiendra solidement Lenharrée." Or, dès le matin, les Allemands attaquent, empêchant l'action offensive du 11ème CA.

 

A Lenharrée, le bombardement est très intense, les combats sont violents. Malgré plusieurs assauts ennemis, le 19ème R.I. se maintient, non sans de fortes pertes. Les tirs des 75 Français ont permis a 2 reprises de repousser les assauts allemands. A aucun moment de la journée, ceux ci ne pénétreront dans le village de Lenharrée. Vers 19 h, le 19ème R.I. reçoit un message: "J'adresse toutes mes félicitations au 19ème RI pour sa glorieuse conduite. Je mets à votre disposition un bataillon du 62ème R.I. et un bataillon du 116ème R.I. Toute la ligne passera à l'offensive le 8 à 4 heures."  

 

Les bataillons des 62ème et 116ème R.I. relèvent les unités du 19ème R.I. en avant de Lenharrée. Le 19ème régiment d'infanterie se reforme le long de la voie ferrée pour prendre un repos bien mérité avant de repartir à l'attaque prévue à 4 heures. Mais cette attaque ne peut avoir lieu. Ce sont les allemands qui le 8 à 3h attaquent et enlèvent les ponts d'Haussimont et de Vassimont à 4h45. Toutefois les compagnies empêchent toute nouvelle avancée.  

Le caporal Emile Le Clainche fait son devoir et est grièvement blessé sur le champ de bataille dans les combats de la matinée du 8. Il est transporté à l’ambulance n°1/11 à Gourgançon (Marne), quelques kilomètres en retrait du front qui traite le 8  septembre 3.400 blessés. Il décède dans l'après-midi du 8 septembre 1914 à l’âge de 25 ans.

 

Son corps a probablement été inhumé dans le cimetière de guerre proche de l'ambulance de Gourgançon avant d'être transféré à la Nécropole nationale de Faire-Champenoise que regroupe 5.980 corps, des victimes de la bataille de la Marne.

 

N'étant ni né à Groix, ni socialement enraciné, son nom n'est pas inscrit sur le Monument aux morts de la commune. Il sera gravé sur celui de Naizin, sa commune de naissance. Toutefois il apparait sur le tableau de l'église avec une date et un lieu légèrement erroné (Sommesous, le 6 septembre) et sur le livre d’or du collège Saint-François Xavier à Vannes. 

 

Nécropole Nationale de Faire Champenoise

 

Ossuaire

Le 16, le 62ème R.I., qui fait partie de l'avant-garde de la division, se porte sur Muno qui se trouve tout de suite après la frontière belge, ils y arrivent, harassés, à 22h. où ils s'installent en cantonnement d'alerte couvert par le bataillon Voilliard qui prend les avant-postes. L'accueil de la population est excellent; elle offre à ces braves soldats français boissons et tabac à volonté.

 

Le 20, le régiment se dirige sur Paliseul, mais, avant d'arriver, on entend la fusillade. Le général pousse le 62ème sur Maissin, le 21, pour appuyer les régiments déjà engagés. Les Allemands ont mis le feu au village. Arrivant par le sud, on entend le bruit du canon et celui de la fusillade qui augmentent d'intensité. C'est le baptême du feu pour Emile et ses camarades. Vingt jours qui l'attende et le redoute. Le feu de l'infanterie allemande devient extrêmement violent, un ennemi invisible, en position sur les hauteurs, avec un grand nombre de mitrailleuses, ouvrent un feu nourri; les bataillons subissent des pertes sérieuses. Le village et les bois environnants devinrent l'enjeu de combats acharnés. Attaques et contre-attaques se succédèrent sous le feu des mitrailleuses et des obus des deux artilleries. Vers 19h, le clairon sonne la charge, les hommes s'élancent à l'assaut, Maissin est pris et 60 prisonniers sont faits. Pendant la nuit, du 22 au 23, les hommes sont réveillés dans la nuit par une contre-attaque, le village est de nouveau en feu, des coups de feu éclatent de partout. Les hommes prennent la fuite, après avoir repoussé 3 contre-attaques. Le régiment se "débande". 

 

Suivant le mouvement général de l'armée qui se reporte vers la frontière, le régiment bat en retraite le dimanche 23 août, en abandonnant le champ de bataille, les morts et les blessés intrans-portables. Des centaines de blessés reçurent les premiers soins dans les villages de Transinne, Redu et Our où ils furent faits prisonniers par l'armée allemande. On peut considérer cette bataille de rencontre comme l'un des plus meurtriers affrontements, avec Rossignol et Ethe, du samedi 22 août 1914 dans la province belge de Luxembourg. Jour de chance pour les groisillons, aucun ne fait parti de ces nombreux morts.

Dès le vendredi 4, à 4h, le 62ème quitte le bivouac, traverse la Marne à Matougue et se porte dans la direction de Chéniers puis vers Soudron, que le régiment atteint à 22h.

 

Joffre décide que l'on se battra sur la Marne. Mais que feront les troupes harassées par 15 jours de retraite ? Seront-elles en état de reprendre l'offensive ? Enfin quelle date fixer pour le jour J. ?  Il hésite, envisage le 7, puis avance la date au 6 septembre. Aussitôt, il rédige les dispositions générales en vue de la bataille.

 

Le 5 septembre, le 62ème se porte, par Vatry, sur Sommessous. A 9h, il reçoit l'ordre de s'installer, au nord de Sommessous. Les 2ème et 3ème bataillons prennent position de chaque côté de la route de Chalons. Le 1er bataillon est en réserve. A 17h, les dispositions sont modifiées. La 43ème brigade doit tenir solidement Sommessous et les passages de la Somme.

 

La bataille de la Marne s'engage dès le 6 septembre sur toute la ligne de front. L'ensemble des armées françaises, ainsi que la petite armée anglaise, se préparent à prendre l'offensive. Le Généralissime adresse une proclamation qui deviendra historique: "Au moment où s'engage une bataille dont dépend le salut du Pays, il importe de rappeler à tous que le moment n'est plus de regarder en arrière. Tous les efforts doivent être employés à attaquer et repousser l'ennemi. Toute troupe qui. ne peut plus avancer devra, coûte que coûte, garder le terrain conquis et se faire tuer sur place plutôt que de reculer. Dans les circonstances actuelles, aucune défaillance ne peut être tolérée."

 

Le 11ème Corps d'Armée (auquel appartient le 62ème RI), est établi défensivement de Morains-le-petit à Lenharrée et même Vassimont et Sommesous, pour barrer à l'ennemi les routes venant de Chalons et de Vertus. La 43ème brigade (62ème RI et 116ème RI) couvre le flanc droit de Lenharrée jusqu'à Vassimont. Le 62ème tient plus précisément les ponts d'Haussimont et Vassimont  Les 1er et 3ème bataillons du 19ème, avec 2 sections de mitrailleuses en avant du village de Lenharrée. Les différentes unités sont en place vers 10 h. Sous une chaleur étouffante, les heures passent, angoissantes. Vers 14 h, une attaque de 150 cavaliers allemands est repoussée.     

Monument aux Morts de Naizin (Morbihan