Mort pour la France

Joseph Marie CARTON (1883/1916)

 

Fils de Marc Marie, marin-pêcheur, né à Groix en 1846 et de Jeanne Thérèse STÉPHANT née à Groix en 1849, mariés à Groix en avril 1874 et résidant dans le village de Quéhello, Joseph Marie CARTON est né le 28 mai 1883 à Groix, dans le village de Quéhello. C'est le petit dernier d'une fratrie de 6 enfants.

 

Après quelques années passées sur les bancs de l'école, Joseph commence son apprentis-sage de marin-pêcheur dès l'âge de 12/13 ans en s'embarquant comme mousse sur les dundees groisillons, puis comme novice. A l'âge de 18 ans il est inscrit maritime définitif sur le registre des gens de mer du quartier de Groix, sous le matricule ? .

 

Il est levé au cours de sa vingtième année et effectue son service militaire au 3ème dépôt des équipages de la flotte à Lorient.

 

Rendu à la vie civile, vers 1907, il reprend ses activités à la pêche.

 

Joseph Marie CARTON se marie à Groix le 15 novembre 1909, avec une groisillonne, Blanche Victoire Désirée TESSOL, née à Groix en 1883 dans le village de Ker-Port-Lay. Le couple résidera à Ker-Port-Lay et aura 3 enfants, le plus jeune née en septembre 1914.

 

Joseph Marie CARTON décède le 10 juillet 1916 à Barleux dans la Somme.


 

A la mobilisation, en août 1914, Joseph Marie CARTON est rappelé au 3ème dépôt des équipages de la flotte à Lorient.  Dans les premiers jours, il ne reçoit pas d'affectation, puis comme beaucoup de marins qui ne trouvent pas place sur les navires et les bâtiments de défense côtière, il est mis à disposition de l'Armée de terre, à la fin de l'année 1914 ou au début de 1915. La fiche matricule de Joseph est muette sur son parcours.

 

Compte tenu de son affectation ultérieure, il y a lieu de penser que Joseph Marie CARTON est d'abord affecté au 8ème régiment d'infanterie coloniale à Toulon pour une courte période de formation de fantassin.

 

Il est par la suite en mai/juin 1915 affecté au 38ème R.I.C. au front qu'il rejoint dans le secteur de Bois-le-Prêtre dans la Meuse. Il est intégré à la 20ème compagnie (5ème bataillon)

 

 

Jusqu'au 11 août, les deux bataillons, par périodes et en alternant avec les autres régiments, occupent la première position constituée par les sous-secteurs de l'Usine, du Centre et de la Croix des Carmes. Cette période est difficile par la nécessité d'organiser défensivement le nouveau front tracé après le repli et par celle de repousser à différentes reprises, de violentes attaques ennemies. C'est ainsi que, dans le sous-secteur de l'Usine, le 5ème bataillon, le 23 juillet, repousse brillamment deux attaques successives et s'empare au lever du jour de toute une ligne de tranchées qu'il avait mission de conquérir; que le lendemain à 20 h, il repousse de nouveau une violente attaque et, peu après, réussit un coup de main sur un poste allemand; que le 25, il résiste également à l'ennemi qui l'attaquait au fusil et à la grenade après un violent bombardement et l'explosion d'une mine sous une de nos tranchées de première ligne.

 

Pendant toute cette période, très active de part et d'autre, les deux bataillons ont eu la plus belle tenue, supportant les plus violents bombardements et améliorant la position qui leur avait été confiée.

 

Les 10 août, ils vont prendre à Ingerey un repos de 10 jours. Ils remontent du 21 août au 19 septembre et occupent alternativement la première et la deuxième position du bois Le Prêtre et de l'Auberge Saint-Pierre. Aucune affaire importante ne se produit; on continue l'organisation.

 

A partir du 19 septembre, la 16ème DIC est retirée de cette région. Le 38ème a subi au bois Le Prêtre une belle saignée: 3 officiers tués, 5 blessés; 7 hommes de troupe tués et 170 blessés.

 

Le 28 septembre le 38ème RIC débarque à Sainte-Ménéhould, puis est conduit en autos à Somme-Suippes en Champagne; il bivouaque au Trou Bricot et se prépare à prendre part aux attaques qui ont commencé le 25. Jusqu'au 6 octobre, il subit les fluctuations de la lutte et, sans attaquer effectivement, il essuie des pertes sensibles. Il occupe ensuite le secteur de Ville-sur-Tourbe et enfin la Main de Massiges.

 

Le séjour en Champagne fut particulièrement pénible; ce coin du front garda une grande activité et la boue, bien connue de la Champagne pouilleuse rendait les relèves, les opérations et le ravitaillement fatiguants.

Joseph CARTON  comme ses camarades du 38ème a tenu, grâce à l'abnégation et au courage par une température rigoureuse et une boue restée légendaire, empêchant souvent le ravitaillement d'arriver. Il y a eu comme pertes: 1 officier tué et 8 blessés; 63 hommes de troupe tués, 310 blessés et 16 disparus .

 

Le 23 décembre, le 38ème cantonne à Epense et y reste quelques jours.

 

 

Le 7 juillet, le 38ème reçoit l’ordre d’attaquer le 8 à 14h sur le front de Barleux. Le 8, à 2h les avants postes du 38ème ont avancés de 200m. Les parallèles de départ creusés dans la nuit; le 5ème bataillon est à sa position d'attaque devant la tranchée des Bigorres, le 6ème devant la face Ouest de Barleux, le B. T. S. en réserve. Pour cette opération, on a constitué des groupements mixtes. Les 20ème et 24ème compagnies sont passées au B. T. S. qui donne en échange une de ses compagnies à chaque bataillon "blanc", qui comprend donc 3 compagnies "blanches", une "noire" et une  de mitrailleuses. On doit attaquer à midi, mais, malgré une forte préparation d'artillerie, les réseaux allemands qui sont à contrepente sont encore intacts et l'attaque est décalée de 24 h.

 

Le 9, dès 6h, préparation d’artillerie sur le front de Barleux. Pendant cela Biaches tombe. A 14 h, les sections de tête du 5ème bataillon s'élancent en avant: un violent feu de barrage, artillerie et mitrailleuses, se déclenche immédiatement, les chefs de section et la plupart de leurs hommes sont mis hors de combat en un clin d'œil, les sections clouées sur place, sont vivement ramenées. La C.M. profite de son inaction forcée et de son heureuse position pour enfiler de ses feux, la tranchée des Marsouins, objectif du B.T.S. du 37e.

 

Au 6ème Bataillon, la 23ème compagnie et la compagnie sénégalaise pénètrent dans Barleux complètement détruit par le feu terrible de l'artillerie. Malheureusement, la D.I.marocaine qui, à sa droite, devait participer au mouvement, ne bouge pas. Le cimetière, au sud du village, est fortement occupé par les Allemands et constitue une menace redoutable pour les assaillants de Barleux.

 

Les défenseurs, faisant d'abord « Kamarades », reprennent leurs armes à la vue des Sénégalais. Une fraction ennemie, contournant les maisons, s'empare des tranchées de départ, bloquant les deux compagnies qui ont pénétré et dont on n'a plus de nouvelles. L'ennemi se reprend et l'attaque échoue. Repli de 200m à 21h25…

 

Dans la nuit du 9 au 10, une batterie de 58 arrive et s'installe au 5ème bataillon après qu'un officier du génie eût échoué dans la destruction des réseaux. En position à la barbe de l'ennemi, n'ayant comme abri que des blés qui disparaissent petit à petit fauchés par le feu intense, la batterie ne peut tirer que quelques coups toutefois bien utiles.

 

 

Le 5ème Bataillon se retire à Flaucourt; le 6ème, très éprouvé, va plus loin à la tranchée Hélène et les Sénégalais à Herbecourt.

 

A la suite de ces opérations, le colonel commandant le régiment fit paraître l'Ordre n° 280 du 11 juillet 1916: « A l'issue des combats auxquels le 38ème R.I.C. vient de prendre part, le Colonel félicite les Officiers et  les Hommes de troupe qui ont combattu devant Barleux. Pendant cette période de 6 jours, tout particulièrement pénibles, chacun a fait preuve d'entrain, d'énergie, d'endurance, d'esprit d'abnégation, de discipline et de sacrifice. Le Colonel s'incline avec l'émotion la plus profonde devant ceux qui ont été fauchés par les mitrailleuses ennemies, et, à tous ceux qui ont pris part à la lutte, il adresse l'hommage de son admiration».

 

Bien triste consolation pour Joseph Marie CARTON qui est décédé au cours de ces combats.

l'un des deux ossuaires de Villers Carbonnel (Somme)

 

Le 38ème régiment d'infanterie coloniale a son dépôt installé à Toulon, étant constitué à partir des réserves du 8ème RIC. En 1914, il appartient 129ème brigade d’infanterie (65ème Division d’infanterie), puis en juin 1915 à la 16ème division d’infanterie coloniale (32ème brigade avec le 37ème RIC)

 

En 1914, il participe à la retraite des 3ème et 4ème Armées. Il est impliqué à Beaumont en Verdunois et à Flabas, le 1er sept.) puis à la "bataille de la Marne" à Amblaincourt le 7 sept., à Beauzée-sur-Aire, le 8 sept. et à Deuxnouds, le 10 sept. Il est par la suite impliqué dans la bataille de la Woëvre et des Hauts-de-Meuse, on le rencontre à Chauvoncourt à la fin sept.), puis à Douaumont, Bois des Caures Côte Sainte-Marie, cote 277, Ménonville jusqu'à la fin de l'année.

 

A partir de 1915, le régiment est engagé aux cotés du 37ème Régiment d'Infanterie Coloniale. Il est dans les tranchées de la Woëvre, à Bois-le-Prêtre depuis le mois d'avril quand en juin Joseph CARTON rejoint le 38ème RIC

 

Les 3 et 4 juin 1915, le 38ème est relevé sur ses positions des Paroches et se rend le 7, à Toul. Il est dirigé ensuite sur Tremblecourt et Noviant et remplace en première ligne, dans la nuit du 8 au 9, le 107ème R. I. au secteur dit Plantation Humbert-Limay. Il demeure dans cette partie du front jusqu'au 1er juillet. Cette période s'écoule tranquillement, sans attaque importante; les pertes ne sont que de 4 tués et 28 blessés.

 

Le 1er juillet, le 38ème RIC entre dans la composition de la 32ème B.I.C. avec les 37ème et 44ème R.I.C. (16ème D.I.C.). Il reste à deux bataillons, le 4ème ayant été transféré. La nouvelle formation va faire ses débuts au bois Le Prêtre.

 

Le 4, le régiment quitte ses cantonnements pour se porter en réserve des régiments occupant le secteur Auberge St-Pierre, Fay-en-Haye, Polygone, qui vient d'être violemment attaqué par l'ennemi et a pris pied dans le Quart-en-Réserve. Dans les nuits des 5 et 6, il occupe les premières lignes et repousse deux fois les Allemands qui attaquent au cours des relèves. Du 6 au 9, il s'organise sur ses positions, s'empare du Verger. Il reste en ligne jusqu'au 14 juillet, date à laquelle toute la brigade se porte en réserve.

 

le Trou bricot

 

Le 28 décembre, le régiment se rend à Estrées Saint Denis. Le village de Cressonsac lui est assigné pour jouir du premier repos qui lui est accordé depuis la mobilisation. Il y demeure jusqu'au 17 janvier 1916 et le quitte pour aller au camp de Crevecœur où la Division organise des séances d'instruction jusqu'au 10 février. L'E.M. et le 6ème bataillon sont à Lihus, le 5ème cantonne à Crevecœur et Hétoménil.

 

La 16ème D.I. C. entre en secteur aux environs de Rozières en Santerre le 17. Le 38ème a la charge du village de Lihons où il n'existe à peu près rien comme défenses et comme abris. A peine les régiments étaient-ils installés, le 21 février, (le même jour que le commencement de la ruée sur Verdun), la D I.C. est attaquée par les gaz; l'action se localise à droite du 38ème qui n'a pas à intervenir. Les trois mois, que le 38ème passera là, s'écouleront d'une façon à peu près tranquille. En travaillant jour et nuit, le point d'appui est si solidement organisé qu'il inspire aux Allemands une certaine méfiance; ils ont attaqué au nord et au sud, mais n'ont jamais essayé de se heurter au village lui-même.

 

Deux jours après le départ du régiment de ce coin du front il était  visité par le Président de la République.

 

Les pertes dans le Santerre sont d'un officier tué et un blessé. et de 13 hommes de troupe tués, 70 blessés et 5 disparus.

 

Le 31 mai, le Régiment est relevé et va se préparer à l'offensive de la Somme. Il passe quelques jours à Oresmaux, près d'Amiens, où il s'adjoint un bataillon de tirailleurs sénégalais (B.T.S.).

 

Le 20 juin, le 38ème R.I.C. est à Villers-Bretonneux et il est en réserve du 1er C.A.C. au moment où les attaques du 1er juillet se déclenchent.

 

Dans la nuit du 4 au 5, la 16ème D.I.C. relève la 2 D.I.C. sur le terrain si brillamment conquis entre Bois Vert et l'Est de Barleux. Le 38ème est en avant de Flaucourt. Pendant une reconnaissance pour assurer la liaison avec la Division Marocaine, un commandant est tué par une balle de mitrailleuse. Jusqu'au 8, chaque nuit, les avant-postes sont avancés au contact de l'ennemi qui, chaque jour se retire un peu. Dans les blés de 1 m. 80 de hauteur, on ne voit rien de jour. Tous les efforts faits pour construire des tranchées sont inutiles, la ligne de départ n'étant pas atteinte.

 

 

Le 10, au lever du jour, le 5ème bataillon, sent que la tranchée des Bigorres est peu occupée, les défenseurs, probablement influencés par les bombes de 58, ont reflué latéralement sur Barleux où la tranchée aboutit. Un sergent de la 19ème, avec une patrouille va s'assurer du fait, fait le signal convenu et, avant que les Allemands ne puissent réagir, les sections de tête sautent dans l'objectif et occupent la tranchée solidement en passant par deux brèches de son réseau.

 

A partir de 9 heures et jusqu'au soir, ces sections vont être en butte à des contre-attaques au corps à corps, continuellement renouvelées qui échoueront toutes, grâce à la farouche résistance des défenseurs et à un tir de barrage progressif et régressif

 

Un sous-lieutenant , commandant de la tranchée conquise, la conservera malgré tout. Des prodiges sont accomplis par les occupants dont les munitions sont vite épuisées. Heureusement, l'approvisionnement de grenades boches va servir. Les Allemands reviennent du village par la tranchée, un barrage de cadavres y a été établi pour limiter notre domaine; un sergent indigène restera debout sur la tranchée et, après s'être fait montrer le maniement des grenades ennemies, va garder le barrage et le rendre inviolable. Malgré un feu terrible dirigé sur lui, il n'a aucune blessure; la médaille militaire et le grade d'adjudant ont récompensé son courage.

 

Au 6ème bataillon, les 22ème et 24ème compagnies reprennent l'attaque de Barleux; elles sont décimées par le violent tir de l'ennemi qui a été renforcé. La division marocaine n’avance toujours pas. A 16h, l'échec est constaté pour l’attaque de Barleux.

 

Relevé dans la nuit, le 38ème RIC est à bout de forces; personne n'a dormi depuis six jours et cinq nuits. Les pertes sont très lourdes. Depuis le 4 juillet, 7 officiers ont été tués: 9 sont disparus au 6ème bataillon, 19 sont blessés; 151 hommes de troupe sont tués, 843 blessés et 419 disparus.

Le 10 juillet, c'est 3 officiers tués, 8 blessés et 61 soldats tués (Joseph CARTON est l’un d’eux), 281 blessés, 70 disparus

 

 

Joseph Marie CARTON, soldat de 2ème classe au 38ème R.I.C. , 20ème compagnie (5ème bataillon habituellement, passé au BTS pour cette offensive) est décédé le 10 juillet 1916 à 15h des suites de ses blessures sur le champ de bataille. "Mort pour la France", Croix de guerre, il avait 33 ans et laissait une femme et 3 jeunes enfants. Il est décédé le même jour qu'un autre groisillon, Victor TOPIN et dans le même secteur de l'offensive de la Somme.

 

Joseph CARTON a probablement été inhumé dans un cimetière proche du champ de bataille, avant d'être transporté et ré-inhumé dans une nécropole nationale, probablement celle de Villers-Carbonnel (Somme) dans l'un des deux ossuaires, sauf si le corps a été restitué à la famille (à revoir).

 

Le cimetière édifié en 1920 rassemble 2 285 corps, dont 1 295 en ossuaires. On y a regroupé des tombes de soldats provenant des cimetières de Barleux et de Flaucourt.

 

Son acte de décès est transcrit sur les registres de la commune de Groix le 29 septembre 1916 (voir ci-dessous)

 

Son nom est gravé sur tous les monuments mémoriels de la commune de Groix

 

Joseph CARTON a fait l'objet d'une citation publié au Journal officiel du 9 décembre 1920