Mort pour la France

Ange Jean Marie EVEN(N)O  (1893/1915)

Ange Jean Marie Joseph EVENNO

sa mère, Rose Marie LE FÉE

 

Fils de Ange Marie né en 1865, marin-pêcheur, mort en mer en 1896, avec son dundee "Gloria Mundi" et de Marie Rose LE FÉE, née en 1892 à Plouhinec, mariés en octobre 1889 à Groix Ange Jean Marie Joseph, dit Joseph Marie,  EVEN(N)O est né le 3 août 1893 à Groix dans le bourg de Loctudy. Il est le deuxième enfant d'une fratrie de 3 enfants. 

 

Ange est orphelin de père à l'âge de 3 ans.

 

Après quelques années sur les bancs de l'école, Ange reprend le flambeau de son père, il sera marin-pêcheur. D'abord mousse vers l'âge de 12/13 ans, puis matelot; il est inscrit maritime sous le matricule 2080 / Groix, lorsqu'il passe devant la commission de recrutement en 1912, son n° matricule est le 239 / Lorient

 

Ange EVEN(N)O est levé vers septembre 1913 pour effectuer son service militaire et il est affecté au 3ème dépôt des équipage de la flotte  à Lorient.

 

Il décède, noyé, le 26 avril 1915 en mer au sud de l'Italie. La légende familiale dit que sa mère a rêvé la mort de son fils, la nuit même où elle est advenue.


 

Quand la guerre éclate en août 1914, Ange EVENNO, marin de 3ème classe, sans spécialité, est affecté au cuirassé "LÉON GAMBETTA" dont le port d'attache habituel est Brest.

 

L’effectif règlementaire du "Léon Gambetta" comportait 22 officiers et 799 officiers-mariniers et hommes d’équipage dont deux groisillons: Ange EVEN(N)O et Yves LE DOEUFF.

 

De 1914 à 1915 le "Léon Gambetta" est basé à Malte, au sein de la 2ème escadre légère (Contre-amiral Sénès). Il participe à la protection des cargos ravitaillant les alliés (serbes, monté-négrins,...) luttant contre l'Autriche.

 

En mars 1915, un plan de blocus est établi, précisant les points de ravitaillement et de rendez-vous pour la division de l'Adriatique, ainsi que des routes de patrouille. L'opération de débarquement dans les Dardanelles a échoué. Plus que jamais, il faut aider l'armée serbe.  Or, le canal d'Otrante grouille de sous-marins ennemis et les équipages des vapeurs refusent d'appareiller.

 

En attendant l'entrée en guerre de l'Italie aux côtés des alliés, une ligne de croisière est établie entre le cap Santa Maria di Leuca, à l'ouest, et l'île Sainte Maure, à l'est.

 

Quatre croiseurs cuirassés "Victor-Hugo", "Jules-Ferry", "Waldeck-Rousseau", "Léon-Gambetta." font chacun leur tour un quart du trajet. Sous les ordres du capitaine de vaisseau André, le "Léon Gambetta" participe au blocus de la marine austro-hongroise en mer Adriatique.

 

 

L’eau s’infiltre rapidement à l’intérieur du bateau où règne désormais le chaos. Deux chaloupes sont lancées à la mer , mais l'une d'elles sombre rapidement. L'autre, pouvant contenir 50 hommes, est aussitôt  gagnée par quelques 108 marins. Les autres sont repoussés. En l’espace d’une vingtaine de minutes, le Leon Gambetta est englouti au fond de l’Adriatique, une mer dans laquelle viennent de plonger quelques dizaines de militaires, accrochés à des débris et des morceaux de bois. Ils y passeront la nuit, à lutter contre la fatigue et le froid, et à s'encourager pour rester éveillés. Certains ne survivront pas.

 

L'embarcation de sauvetage se dirigera vers le phare de Leuca. Vers 8 h du matin le canot, remorqué par les marins et pêcheurs, dans la dernière partie du parcours, parviendra miraculeusement au village de Santa Maria de Leuca distant de 14 milles environ de la zone du naufrage.

 

 

Bientôt le jour se lève, et au froid va succéder le soleil qui brûle ces hommes affamés et assoiffés. Vers 14h, une fumée noire apparaît, disparaît, reparaît enfin: à l'arrivée de la chaloupe, le chef du sémaphore de Santa Maria di Leuca, Mario Sandri a aussitôt déclenché l'alerte par téléphone. Partis à la seconde, de Tarente, de Brindisi, torpilleurs et contre-torpilleurs italiens arrivent, ils sont là ! Les torpilleurs italiens 33PN et 36PN sauvent 27 naufragés. Les torpilleurs Indomito et Intrepido arrivés peu de temps après sur la zone du drame recueillent encore 2 survivants, ils repêchent 58 cadavres dont celui de l’amiral Sénès. Ils ne recueilleront que 29 hommes à bout de forces, sur les 300 qui s’étaient jetés à l’eau vers minuit quarante-cinq se compteront parmi les 684 morts de l’équipage qui comptait 821 officiers et marins.

 

Bilan tragique, sur les 821 hommes d'équipage, on compte 684 qui ont péri (dont les 32 officiers dont le CV André et le CA Sénès), dont 624 qui sont portés disparus, et inscrits au registre des décès de la ville de Brest, 60 cadavres qui ont été retrouvés par les marins italiens, et seulement 137 qui ont survécu au torpillage

 

Les rescapés furent  très bien traités par la marine italienne, ils furent dans un premier temps conduits à Brindisi où ils reçurent un excellent accueil.

 

Le 30 mai, les marins rescapés du "Léon Gambetta" embarquaient à bord du "Courbet" à destination de Malte.

 

Le "Léon-Gambetta" est le premier (mais pas le dernier, hélas !) navire de cette taille à avoir été torpillé et coulé par un sous-marin ennemi.

 

Son acte de décès d'abord consigné dans le registre de la commune italienne de Castignano del Capo fait l'objet d'une copie intégrale adressée au Ministère des Affaires étrangères à Paris le 27 août 1915 où il est traduit.

 

Il est transcrit, suite à un jugement du tribunal civil de la Seine, en date du 31 août 1916, dans le registre des décès de la commune de Groix, le 11 décembre 1916.

 

Son nom est inscrit sur tous les monuments mémoriels de la commune de Groix

J.O. 26 novembre 1921

 

 

Ange Jean Marie EVEN(N)O, comme tous les marins morts dans cet catastrophe, est distingué à titre posthume de la Croix de guerre avec étoile de bronze

Le cuirassé  "Léon Gambetta", construit à l'arsenal de Brest (29), était un navire d’une longueur de 146,50m, une largeur de 21,40 m au maître-bau, un tirant d’eau de 8,20 m, il avait un déplacement de 12 600 tonnes. La propulsion était assurée par 3 machines à vapeur regroupant 28 chaudières qui assuraient une puissance de 28 500 cv. Il pouvait atteindre une vitesse max de 23 nœuds, son rayon d’action était de 6 500 milles à 10 nœuds (12 000 km à la vitesse de 17 km/h ).

 

Son armement principal était constitué de 4 canons de 194 mm en tourelles axiales, 16 canons de 164 mm dont 12 en tourelles doubles et de 24 canons de 47 mm. Pour la défense anti sous-marine il était doté de 2 tubes lance-torpilles de 450 mm. Un blindage de 170 mm à la flottaison, de 200 mm au blockhaus du commandant et de 140 mm aux positions de l’artillerie  assurait la protection cuirassée.

 

 

Le 27 avril 1915, en mission de protection des cargos chargés de ravitailler le Monténégro, vers 0 h 30, le "Léon Gambetta" est torpillé par le sous-marin autrichien U du commandant Von Trapp, à l’entrée du chenal d’Otrante, au niveau du talon de la «botte italienne».

 

Touché par 2 torpilles, notamment dans la chambre des dynamos, le navire prend rapidement de la bande et coule en dix minutes.

 

 

Très vite, le navire breton s’incline. Plusieurs centaines de marins se retrouvent plongés dans le noir et bloqués à l’intérieur, sans aucune issue possible. Endommagée, l’antenne de transmission n’est plus en capacité d’envoyer un quelconque message de détresse aux navires alliés. Au bout de trois minutes, l'inclinaison du navire est déjà de 30°. Neuf mn après avoir été touché, le croiseur se retourne. Dans la confusion générale, plusieurs cris s'élèvent : "Vive la France" .

 

 

Pendant qu'à distance le sous-marin observe, environ 300 hommes tentent de se maintenir en surface, cramponnés à des madriers, des mâts, des cages, à poules ou à de "jolis cochons roses" selon E. Abgrall.

 

Le matelot survivant Monfort écrit à ses parents : "j'ai ramassé mon courage et je me suis tenu sur l'eau avec deux rames que je me suis passé sous les bras. Heureusement, la mer était bonne".

 

Les marins se regroupent, s'encouragent, se soutiennent, et soutiennent les officiers, physiquement moins entraînés. Certains appellent leur mère, d'autres leur femme. Et, dans ces instants qui peuvent être les derniers, ils pensent à ces enfants qu'ils voudraient tant voir grandir. Plus de 500 marins meurent dans la nuit à cause d'hypothermie et de fatigue.

 

Si encore, comme leurs camarades anglais, ils avaient reçu les collets de sauvetage !  Mais ceux-ci ne seront distribués que bien plus tard, trop tard pour eux. Peu à peu, les voix s'affaiblissent. Déjà, froid, fatigue,  congestion et crampes achèvent certains. Des madriers auxquels ils étaient cramponnés, des hommes, comme des fruits trop mûrs, se détachent et coulent à pic, en dépit des efforts de camarades plus robustes.

 

 

Ange Jean Marie Joseph EVEN(N)O fait partie de ces 60 hommes retrouvés morts.  Il est retrouvé, le lendemain du torpillage, sur la plage de Gagliano del Capo et sera inhumé avec les autres corps retrouvés, dans une chapelle dite "Eroi Francesi" à Castrignano del Capo  (Italie). Il avait pas encore 22 ans et il était célibataire.

 

Le corps d'Ange Joseph EVEN(N)O, quatre ans plus tard, rentra au pays dans un cercueil plombé. sa mère découvrira, à cette occasion, par un marin rescapé, ami de son fils, que ce dernier n'était pas mort dans le torpillage, mais que ses frères d'armes l'avaient laissé se noyer dans un moment de folie.

 

Plaque mémoriel aposée sur la tombe familiale

 


 

quelques marins du Léon Gambetta noyés

GASPARD Gaston                                         HURSUL Georges                                           Inconnu.                            JAFFRÈS Jean François                          LE GALL Jean