Mort pour la France

Yves Marie LE MANER  (1884 / 1922)

Ploemeur en 1900

 

caserne Bisson à Lorient en 1905

 

place et église du bourg de Loctudy en 1905

 

Fils de Yves Marie LE MANER, un journalier, né à Silfiac (Morbihan) en 1855 et de Marie Jeanne HAMON, née à Ploerdut (Morbihan) en 1856, mariés à Lorient en octobre 1883 et résidant à Lorient, Yves Marie LE MANER est né le 21 août 1884 à Lorient. Il est l'aîné d'une fratrie de 5 enfants.

 

Vers 1886, ses parents s'installent à Ploemeur (Morbihan) un gros bourg de 10 000 habitants, voisin, à l'ouest, de Lorient.

 

Après quelques années passées sur les bancs de l'école, il commence son apprentissage de peintre... peut être chez le père de sa future épouse qui est lui-même peintre.

 

Il passe devant la commission d'incorporation du 2ème canton de Lorient en septembre 1904  sous le n° matricule 237 / Lorient. Il est jugé "bon pour le service armé" .

 

Yves LE MANER est incorporé pour effectuer son service militaire le 10 octobre 1905. Il est affecté au 62ème Régiment d'infanterie dont le dépôt se trouve à Lorient, caserne Bisson, rue Hoche. Il obtient le grade de "sapeur" le 1er avril 1906. Il est rendu à la vie civile le 28 septembre 1907. Il reprend alors ses activités de peintre.

 

Yves LE MANER se marie à Groix, avec une jeune veuve, Eugénie BOUARD, qui est née à Groix en juillet 1880, le 22 septembre 1909. Ils résideront au bourg de Loctudy et auront 4 enfants dont l'un mourra en bas-âge.

 


 

Quand la guerre  éclate en août 1914, Yves Marie LE MANER est presque âgé de 30 ans. Il est mobilisé dès le 3 août et affecté compte tenu de son âge au régiment de réserve du 62ème R.I., le 262ème R.I.  Le régiment est membre de la 122ème brigade (61ème division d'infanterie - Réserve générale à la disposition du Général en chef). Yves LE MANER est affecté à la 22ème compagnie (5ème bataillon ?) et semble avoir été nommé caporal.

 

Dans la nuit du 5 au 6 août, le 262ème R.I. s'embarque à Lorient, direction Paris, la 61ème division étant affectée à La Défense du camp retranché de Paris. Dès leur arrivée le 6 et 7 août, le régiment est dirigé vers Le Bourget dont il a la garde des issues, et ce jusqu'au 24 août.

 

Le 25 août le régiment embarque à Villers-le-bel, direction Arras (Pas de Calais).

 

vue des lieux où Yves LE MANER a probablement était fait prisonnier

 

 

Yves LE MANER est fait prisonnier le 28 ou le 29 août et non pas à Rossignol comme renseigné sur sa fiche matricule mais dans le secteur de Frise, sa compagnie ayant la garde du pont de Frise ou un peu plus tard lorsqu'elle doit reculer. Peut-être à Éclusier Vaux comme semble l'indiquer les documents allemands ou du C.I.C.R.

 

Dès le début de la guerre, les autorités allemandes se retrouvent confrontées à un afflux inattendu de prisonniers. En septembre 1914, 125 050 soldats français sont captifs. Avant 1915, les conditions de détention en Allemagne sont très difficiles et marquées par le provisoire et l’absence d’infrastructure (comme on peut le voir sur la photo ci-contre). Les prisonniers dorment dans des hangars ou sous des tentes, et y creusent des trous pour se protéger du froid. Les forts humides réquisitionnés pour servir de lieu de détention occasionnent de nombreuses maladies pulmonaires. Les autorités allemandes réquisitionnent également des écoles, des granges, et quantité d’abris divers. Des camps sont établis aussi bien dans les campagnes qu’à proximité des villes, ce qui eut des conséquences lorsque des épidémies de choléra ou de typhus menacèrent de s’étendre à la population civile.

 

Tout le groupe de prisonniers du 262ème semble être transport au Camp de SENNE à l'est de Munster, juste au-dessus de Paderborn et plus précisément au camp de SENNE III. En cette fin d'année 1914, les soldats prisonniers dorment dans la paille, dans des huttes de fortune ou dans des trous creusés à même le sol pour s'abriter du froid et de la pluie. L'hygiène est déplorable, et très vite, des épidémies de Typhus apparaissent. Faute d'être prêt à nourrir et à loger un si grand nombre de prisonniers, l'hiver 1914 sera mortel pour des centaines d'hommes. 

 

 

fiche du C.I.C.R avec un n ° matricule qui renvoie à liste ci-contre établie le  26 février 1916 à l'occasion de la visite d'une délégation espagnole.      >>>>>

En 1915, la situation s'améliore un peu. Le Mannschaftslager de SENNE III où est interné Yves LE MANER est un camp de base, composé de baraques en bois, larges de dix m et longues de cinquante, recouvertes à l’extérieur de goudron. Chacune de ces baraques loge environ 250 prisonniers. À l’intérieur, un couloir central dessert de chaque côté les couches faites de paille ou de sciure et empilées sur deux étages. L’ameublement reste sommaire : une table, des chaises ou des bancs et un poêle. Le camp comporte également des baraques destinées au logement des gardes, la Kantine où les prisonniers peuvent parfois acheter de petits objets et des compléments d’alimentation, une baraque pour les paquets, un local d’arrêt et les cuisines. Il possède ses propres aménagements particuliers, notamment les installations sanitaires ou des locaux culturels comme une bibliothèque, une salle de théâtre, et des lieux cultuels.

 

Tout autour du camp, il y a des fils de fer barbelés de trois mètres de haut, les fils sont espacés de quinze centimètres, un poteau de bois tous les trois mètres, et en travers d’autres fils de fer barbelés tous les cinquante centimètres formant grillage. 

 

photo du camp de Senne III prise d'un mirador

 

La fiche F.S. 649, nous apprend qu'Yves Marie LE MANER, en date du 17 juin 1916, est interné  à la "Villa des Bains" à Bex, en Suisse. Ce qui laisse à penser qu'il est malade. En effet en vertu d'un accord entre l'Allemagne et la France sous la houlette du C.I.C.R., les blessés et les malades sont transférés dans des établissements plus confortables pour y être traité.

 

Les internés recevront de leur pays d’origine une solde, un uniforme, un manteau, des sous-vêtements, des chaussures. La correspondance entre les internés et leurs parents sera autorisée (franchise postale au départ de la Suisse et de l’étranger), les proches parents pourront même séjourner à leurs frais dans le voisinage du malade. Pour le bien-être physique et intellectuel des internés, la société suisse Le bien du soldat allait aménager des foyers où seront servies des boissons sans alcool, 

 

Ce sont des commissions indépendantes sous la direction de médecins suisses qui visitent les camps et désignent les prisonniers relevant de ce dispositif. Commencé en mars, le 1er août 1916, l’internement en Suisse bénéficiait à 11 689 Français.

 

En avril 1917, suite aux suggestions du gouvernement fédéral, le CICR lança un appel aux belligérants leur demandant d’envisager le rapatriement du plus grand nombre de prisonniers en commençant par ceux qui avaient la plus longue durée de captivité ; le 1er mai 1917, le nombre de prisonniers français internés en Suisse s’élevait à 13 640.

 

Au printemps 1917, les tuberculeux cliniquement guéris étaient reconnus rapatriables. Mais les exigences des uns et des autres bloquaient toute négociation. Le 21 mai, le gouvernement français accepta que soient échangés « tête pour tête et grade pour grade » les sous-officiers et soldats de 40 à 48 ans et pères de trois enfants. Finalement, le seul accord conclu le fut en décembre 1917 relatif aux prisonniers de guerre âgés de plus de 48 ans en captivité depuis 18 mois au moins. Au cours des conférences du mois de décembre

 

 

Yves Marie LE MANER décède à son domicile, des suites de sa maladie, le 9 avril 1922 à Groix. Il a 37 ans, il laisse une épouse et deux enfants vivants qui seront adoptés pupilles de la Nation.

 

Il sera inhumé dans le cimetière communal de Groix

 

Sa mémoire ne sera pas honorée sur le Monument aux morts , malgré un décès conséquence de près de 40 mois d'internement dans un camp de prisonniers en Allemagne.

 

 

 

Il quitte Arras dès son arrivée, le 6ème bataillon en direction de Roeux et le 5ème pour Pelves, à une dizaine de kilomètres à l'est d'Arras. Il. bivouaque à l'entrée des villages de chaque côté de la route. 

 

Il reparte dans la nuit du 26 au 27 août pour Les Boeufs et Morval (Somme) à 40km au sud d'Arras, bifurque plein sud en direction de Bapaume, mais ils sont arrêté à Beugnâtre au nord de Bapaume pour faire face à des unités allemandes.

 

Puis il repart vers le sud pour Sailly-Sallisel et à Rancourt (Somme) afin d'effectuer une concentration de la division. En arrivant à Sailly, le 5ème bataillon (celui de Pierre Yves LE MANER) est assailli par les allemands. Le bataillon arrive à dégager le village, puis remonte vers le Transloy pour éviter de se faire encercler. Quand au 6ème bataillon il se replie vers Morval, mais il est aussi sujet à une canonnade. Ces incidents vaudront au régiment 230 blessés mais aussi plus de 120 disparus.

 

Le régiments arrive à se reformer tant bien que mal près du village de Les Boeufs vers 19 h, puis le 6ème bataillon se porte sur Flers, mais trouvant le village encombré va bivouaquer à 1500 m à l'ouest  du village. Il est 21h30. Le 28, à3h, le 6ème bataillon reprend sa marche en direction de Maricourt, Eclusiers... mais les hommes sont fatigués et le 6ème bataillon isolé Le commandant du bataillon décide donc une grand halte à Suzanne au nord de la Somme.

 

Dans l'après-midi du 28, le commandant du bataillon a enfin des informations et des consignes. Il installe chacune des compagnies à garder un pont sur la Somme à Cappy, Éclusier-Vaux, Frise et Feuillères. La 21ème compagnie (celle de Pierre LE GUEN, un autre croisillon qui sera blessé en septembre 1914 et perdra un membre)) hérite du pont d'Éclusier-Vaux le 22ème (celle de Yves LE MANER) le pont de Frise. Mais elles sont sérieusement attaquées et doivent reculer. La 21ème rejoint Cappy où elle retrouve la 24ème. Les pertes de la journée sont encore importantes, plus de 60 blessés et plus de 180 disparus.

 

Un peu plus loin, on peut lire dans le JMO que le régiment décompte 600 à 700 hommes disparus (pour le seul 5ème bataillon). Après avoir nommé les officiers disparus, morts blessés dont le Chef du régiment, blessé et disparu et le chef du 5ème bataillon, tué, une phrase laconique "Disparus:  de 6 à 700 hommes" résume la situation. le rédacteur du J.M.O. ne prend pas la peine de noter leur nom tellement la liste est longue et incertaine.

 

camp de prisonniers " Sennelager" à l'automne 1914

 

Dans une fiche de la Croix-Rouge, il semble qu'en mars 1916 Yves LE MANER soit détaché dans un camp de travail dénommé Hervest Dorsten, situé au nord de Dusseldorf. Ce camp était une dépendance de Senne, bien qu'étant assez éloigné de lui.. Il se plaint de ne pas avoir de nouvelles de sa famille.

 

vue du camp d'Hervest Dorsen

 

 

D'après une autre fiche concernant Yves, on apprend qu'il fait partie d'un détachement n°1 - 3ème compagnie pour le camp de Dulven

 

Le camp de Dulven était situé lui aussi en Westphalie, au Sud-est d'Arnhem, proche de la frontière  Hollandaise. C'est un  camp de triage par lequel les prisonniers passent pour être dirigés soit vers d'autres camps, soit dans différents kommandos. Environ 10 000 personnes y ont été détenues, dont 5 296 Français, Le camp comptait trois blocs de baraques et un hôpital (Lazaret). Le bloc 1 était occupé par les Français et les Belges, Le bloc 1 comprenait 22 baraques dont 18 étaient destinées au logis de 2 094 prisonniers. Ils avaient à leur disposition 10 baraques pour se laver, une buanderie, une cantine et un atelier. Plusieurs détenus assuraient le service religieux  Il y avait une baraque qui servait de théâtre et disposait de 600 places. Il y avait des concerts organisés par les Russes. 

 

Après un certain temps les prisonniers furent formés pour travailler dans les fermes ou les usines, compte tenu des pertes de travailleurs allemands enrôlés. Les PG travaillaient 10 heures par jour pour un salaire de 0,32 Mark. 

 

La poste fut organisée par le CICR et par la Croix Rouge néerlandaise. Les colis étaient ouverts en présence des PG et tout objet permettant une évasion était confisqué (carte, compas, tournevis etc.).

 

En 1917 il y eut une grande famine en Allemagne. De plus le blocage britannique de l'accès à la Mer du Nord contribua à diminuer les rations alimentaires. Selon un témoignage, le matin il y avait du café de marrons (?) à midi une soupe avec quelques légumes, le soir un Ersatz café avec un morceau de pain fait de mais mélangé à une autre céréale. 750 prisonniers sont morts de faim, de typhus et de choléra.( 70% de ces victimes étaient les Russes qui ne recevaient plus de colis compte tenu de la situation en Russie).

 

Un cimetière fut amenégé pour les prisonniers décédés.

 

 

Probablement des dérogations existent-elles compte tenu de l'état de santé des prisonniers, car Yves Marie LE MANER est libéré et rapatrié en novembre 1917. Il arrive à Nantes le 20 novembre 1917, au dépôt du 65ème R.I., et envoyé en permission de convalescence à Groix où il est accueilli par sa famille le 24 novembre 1917 après plus de 3 années d'internement. Il a 33 ans et 3 enfants. 

 

Il est rappelé le 23 janvier 1918, la guerre continue, et il y a toujours besoin d'hommes. Il est affecté, inapte définitif à faire campagne, aux services auxiliaires après les décisions de la Commission de réforme de Nantes en date du 20 février 1918.

 

Le 4 juin 1918, il est dirigé par la commission de réforme de Lorient vers la commission spéciale de réforme de Vannes qui statue le 14 août 1918 et le propose pour une réforme n°1 avec gratification pour néphrite chronique persistante avec albuminurie. Il est admis à la réforme (réforme n°1 avec 200 francs de gratification) par décision ministérielle du 23 décembre 1918, notifiée 11 janvier 1919.

 

Il peut se retirer enfin chez lui. Toutefois, son état de santé se dégrade et il repasse devant la commission spéciale de reforme de Vannes le  6 janvier 1921. Sur proposition de celle-ci, sa pension est révisée, et il est admis à une pension de 720 francs à dater du 22 février 1922. Il n'en profitera que 50 jours.