Mort pour la France

Jean Marie YVON  (1881 / 1927)

 

Fils de Laurent, un marin pêcheur groisillon, né en 1855 et de Philomène Marie YVON, née à Groix en 1854, mariés à Groix en octobre 1880, résidant dans le village de Créhal, Jean Marie YVON est né le 20 juin 1881 à Groix dans le village de Créhal. Il est l'aîné d'une famille recomposée de cinq enfants, ayant perdu sa mère à l'âge de 3 ans.

 

Après quelques courtes années sur les bancs de l'école, Jean-Marie commence son apprentissage de marin en s'embarquant comme mousse sur les dundees groisillons. En juillet 1896, à 15 ans, il devient novice et en juillet 1899, il est inscrit définitif sur le registre des gens de mer du quartier de Groix, sous le n° matricule ?

 

Vers septembre 1901, il est levé pour effectuer son service militaire. Il est affecté au 3ème dépôt des équipages de la flotte à Lorient pour sa formation de marin militaire.

 

Il est rendu à ses foyers vers septembre 1905; Il reprend ses activités à la pêche. Jean Marie YVON se marie à Groix, le 14 novembre 1906, avec une groisillonne du même village que lui, Créhal, Marie Florence DERRIEN, née en 1878 Ils auront trois enfants et résideront à Créhal.

 


 

Lorsque la guerre est déclaré en août 1914, Jean Marie a 33 ans et déjà 2 enfants.  Il est appelé au 3ème dépôt des équipages de la flotte, mais la Marine ne trouve pas d'affectation dans ses rangs. Jean Marie est d'abord renvoyé chez lui, puis comme beaucoup d'autres marins il est mis à disposition de l'Armée de terre, le 19 février 1915, et plus précisément dans les troupes coloniales, qui manque de bras après les évènements meurtriers de l'été et l'automne 1914. Il est incorporé au 2ème Régiment d'infanterie coloniale, et arrive au dépôt à Brest (caserne Fautras), le  22 février, tout comme Pierre LE DREFF et Eugène STÉPHAN.

 

Après quelques semaines de formation, il rejoint ce régiment sur le front, dans un contingent de renfort de 229 hommes et 1 officier, dans lequel se trouve deux autres groisillons Eugène STÉPHAN(T) et Pierre LE DREFF parti de Brest le 24 avril 1915 arrive le 26 à Neuville au Pont (Marne). Celui-ci se trouve à cette date dans un secteur de l'Argonne et plus précisément en ligne dans le secteur de Servon (Marne) où il retrouve de nombreux groisillons: Emile Marie BARON, Joseph BERNARD, Pierre BLANCHARD, Élie EVEN, Yves LANCO, Joseph Marie GUILLAUME et Isidore YVON.). Les hommes sont rapidement répartis dans les compagnies.

 

Le baptême du feu sera rapide... Le 26 avril, à 23h30, le 2ème RIC relève le 1er RIC dans les tranchées. les hommes subissent immédiatement une fusillade et des tirs d'artillerie. Les pertes sont minimes: 1tué et 1 blessé, mais le marsouin Jean Marie YVON est immédiatement dans l'ambiance. Et les relèves se poursuivent de 5 jours en 5 jours...

 

 

Extrait du J.M.O du 2ème R.I.C. : 

* 27 avril, 6 heures au 28 avril, 6h . Duel d'artillerie d'intensité moyenne... Le feu d'artillerie s'est éteint progressivement. Vers  21h, une violente fusillade accompagnée d'une canonnade a pris naissance dans le bois de la Gruerie. Nos positions d'extrême droit ont reçus des obus de 77 et de 105. après 22h le calme est revenu... Pertes :  2 blessés

* 28 avril, 6h au 29 avril, 6h... A droite et au centre, fusillade habituelle. quelques coups de canons sur les tranchées... perte: 1 blessé

* 29 avril, 6h au 30 avril, 6h... L'ennemi montrant une grande activité, la relève est repoussé au lendemain, puis repoussé encore pour une partie du régiment au 2 mai. Rien d'important à signaler dit le JMO ? Les minenwerfer agissent à droite et sur le centre. Les tranchées de droite ont été très bouleversées Pertes: 2 tués, 3 blessés...

 

Le 5 mai le 2ème RIC qui a passé quelques jours à Vienne la Ville quitte ses cantonnements pour le secteur de La Harazée où il arrive à 17h Il prend ses positions en 1ère ligne dans la nuit.

 

* 6 mai, 6h au 7 mai, 6h... Rien d'important...Duel d'artillerie, bombes... Pluie torrentielle. Pertes: 3 blessés

 

* 7 mai, 6h au 8 mai, 6h... Le 7 mai vers mise à feu d'une mine... 2 fourneaux de 90 kg de cheddite... pas d'entonnoir.

 

Après 3 semaines d'un repos bien mérité, du 16 juin au 13 juillet, le régiment se prépare à une nouvelle attaque dans le secteur du bois Baurain (Bois de la Gruerie). Le 13 juillet au soir, les troupes d'attaque occupent leurs positions de combat, dans le but de les reconnaitre. Le mouvement terminé vers 20 h, les troupes reprennent leurs positions de départ. Le 14 juillet, à 4 h du matin, les bataillons d'assaut sont à leurs postes. A 8 h15, ils s'élancent à l'assaut des positions ennemies...

 

... Pour la suite de la description de l'attaque vois le fiche d'Émile Marie BARON

 

Dans ces combats du Bois Baurain du 14 juillet 1915, le régiment a eu 28 officiers et 1.322 hommes tués, blessés ou disparus dont 8 groisillons : Emile Marie BARON, disparu, Joseph BERNARD, tué à l'ennemi, Pierre BLANCHARD, disparu, Élie EVEN, disparu, Yves LANCO, disparu,  Pierre LE DREFF, disparu, et Eugène STÉPHAN et sans doute de nombreux blessés et des prisonniers dont Jean Marie YVON. Journée noire pour l'île de Groix et à y regarder de plus près, cette attaque n'a servi à rien !!!

 

 

 

 

 

 

Au travers de cette fiche, on peut deviner qu'il fut un temps transféré dans un camp de travail, une usine, qui fabriquait des grenades à main.

 

quelques prisonniers français du Camp de Stuttgart

 

 

Jean Marie YVON décède quelques années après son retour à Groix (avant 1927) à une date à déterminer (à rechercher), des suites de ses longues années passées en internement, de ses blessures et de la malnutrition.

 

Son décès est déclarer à l'État-civil de la commune de Groix, il est inhumé dans le cimetière de la commune de Groix. Étant mort plusieurs années après sa démobilisation, il n' au le droit aucune reconnaissance ni nationale, ni locale. Aujourd'hui son nom est oublié et son sacrifice aussi, comme probablement beaucoup que je n'ai pu détecter..

 

Il est pourtant,t dans nos coeurs "Mort pour la France"

 

 

 

Mais revenons un peu en arrière. Le 2ème RIC a son dépôt à Brest, il est membre de la 1ère Brigade Coloniale rattachée à la 3ème Division Coloniale. Il dispose de 3 bataillons. En août 1914, le 2ème RIC participe à la bataille des frontières en Lorraine et en Belgique. Durant les combats, des premiers jours, le régiment perd 2850 hommes mis hors de combat, puis à Villers-sur-Semoy. Il retraite par Cernay-en-Dormois, Ville-sur-Tourbe puis bois de Ville, il combat à la ferme de Touanges et à Servon. 

 

Le régiment est reconstitué le 17 septembre, avec seulement 2 bataillons, suite aux pertes subies. Il est dans le secteur de Minaucourt, cote 180, Massiges de la fin septembre à novembre. Il passe en Argonne vers le 13 novembre: bois de la Gruerie, le Four-de-Paris, Chaudefontaine, Fontaine-aux-Charmes, puis dans le secteur de Servon de janvier 1915 jusqu’au 16 juin. Durant cette période, le secteur est "calme" avec quand même quelques tués et blessés chaque jour, et le 2ème RIC se relaie tous les 5 jours avec le 1er RIC.

 

* 8 au 9 mai... Calme... Pertes : 6 blessés

* 9 au 10 mai... La brigade coloniale dépend à présent de la 42ème division, sans être endivisionnée...  Pertes : 1 tué, 3 blessés. Le 1er bataille du 2ème RIC reste en première ligne dans le secteur "Mortier". les deux autres bataillons sont relevés... Pertes: 1 tué, 9 blessés

* 10 mai, 12h au 11 mai, 12h... Dans l'après-midi pilonnage du secteur du Mortier. Les 2ème et 3ème bataillons sont en seconde ligne. Les allemands ont tenté sans succès d'empêcher  nos travaux de réfection de tranchées et d'installation de réseaux de barbelés... pertes : 1 blessé

* 11 mai, 12h au 12 mai, 12h... Entre 16 et 16 h les tranchées de gauche du secteur du Mortier reçoivent 40 obus de 105 percutants...  Pas de pertes

* 12 mai, 12h au 13 mai, 12h... journée calme sur les 3 sous-secteurs. La relève a été effectuée sans problème. Faible riposte à nos provocations... Pertes 1 tué, 3 blessés

* 13 mai, 12h au 14 mai, 12h...   les jours s'enchainent ainsi , s'il n'y avait pas chaque jour quelques morts et blessés, on pourrait parler, en lisant le J.M.O., de litanies monotones...

 

 

Jean Marie YVON, probablement blessé est fait prisonnier au cours de cette journée du 14 juillet 1915. On retrouve les traces de Jean Marie YVON sur deux fiches du la Croix-Rouge Internationale avec le seul prénom Jean, renvoyant à plusieurs listes d'internés français.

 

Il est d'abord transporté à Montmédy (Meuse) où les allemands qui occupe cette région ont installé un lazaret dans la forteresse, où lui sont prodigué les premiers soins, puis il été déplacé dans le camp de prisonniers d' Heilbronn dans la région de Stuttgart.

 

Heilbronn est une ville du sud de l'Allemagne (anciennement en français Hailbron), au bord de la rivière Neckar, dans le Land de Bade-Wurtemberg. C'est le chef-lieu du Landkreis Heilbronn et de la région de Heilbronn-Franconie, proche de Stuttgart

 

Les camps de prisonniers dépendant du XIIIème corps (Stuttgart). Deux camps; une dans la ville dans un bâtiment industriel abandonné, l'autre dans une ferme désaffectée à trois miles de la ville et un lazaret.

 

 

En octobre 1915, Jean Marie YVON apparait sur une liste du camp de prisonniers de guerre (kriegsgefangenenlager) de Stuttgart II

 

 

Jean Marie YVON est rapatrié après l'armistice du 11 novembre 1918. Il est, selon sa fiche matricule,  hospitalisé à Hôpital Dépôts de convalescents n° 48 situé dans l'ancienne usine Trapadoux, 99 grande rue de Jallieu à Bourgoin (Isère) qui comporte 400 lits et qui fonctionne depuis le 7 novembre 1915 a, le 6 janvier 1919

 

Il sort de l'hôpital le 2 février 1919 et il est renvoyé dans ses foyers le 3 février 1919, très probablement en très mauvais état de santé.

 

vue de Bourgoin (Isère) vers 1950