Mort pour la France

Jacob YVON  1880/1917

 

Fils de Joseph Marie, un marin-pêcheur né à Groix en 1845 et de Marie Rosalie JÉGO, née à Groix en 1846, mariés à Groix en septembre 1878 et résidant dans le village de Kerclavezic, Jacob YVON est né le 28 février 1880 à Groix dans le village de Kerclavezic. C'est l'aîné d'une fratrie de cinq enfants.

 

Après quelques années passées sur les bancs de l'école Jacob commence son apprentissage de marin-pêcheur en s'engageant comme mousse sur les dundees thoniers de Groix vers l'âge de 12/13 ans. A 15 ans en mars/avril 1895, il devient novice, et en mars 1898, il est inscrit définitif sur le registre des gens de mer du quartier de Groix.

 

C'est ainsi qu'il est levé, incorporé dans la Marine nationale en avril/mai 1900. Il est affecté au 3ème dépôt des équipage de la flotte à Lorient.

 

Rendu à la vie civile en 1904, il reprend ses activités à la pêche.

 

Jacob YVON se marie à Groix le 31 mai 1905 avec une groisillonne, Désirée Marie Hélène BARON, née en 1881. Celle-ci décèdera  peu de jours après avoir mis au monde leur premier enfant en août 1906.

 

Jacob se remarie avec une jeune ételloise, née en octobre 1884, Marie Laurence HARNOIS venue se placer comme domestique à Groix, le 31 mai 1909. Ils résideront au bourg de Loctudy et n'auront pas d'enfant.

 

Jacob YVON décède le 17 avril 1917 sur le territoire de la commune d'Ailles (aujourd'hui Chermizy-Ailles) dans l'Aisne.


 

En août 1914, à la déclaration de la guerre, Jacob est âgé de 34 ans. Il est mobilisé dans son corps d'origine, au 3ème dépôt des équipages à Lorient. Mais sans affectation, il est mis à disposition de l'Armée de terre, comme beaucoup de marins réservistes.

 

Il est alors affecté au 3ème régiment d'infanterie coloniale (3ème R.I.C.) à Rochefort (Charente-Maritime) le 29 décembre 1914. Il rejoint son régiment le 2 janvier 1915 pour quelques semaines de formation à la guerre sur terre.

 

Jacob YVON rejoint-il le 3ème R.I.C., le 21 janvier 1915 sur le front de Champagne dans le secteur de Ville /Tourbe comme il est indiqué sur sa fiche matricule ? Ou est-il affecté au 3ème régiment mixte de marche d'infanterie coloniale formé par un bataillon de réserviste (1er bataillon) à Rochefort le 16 février 1915 rejoint par le 7ème bataillon de Marche du Maroc.

 

 

Après différentes étapes dans l'ouest de la Somme, le 28 février, le 2ème bataillon, cantonné à Faverolles, abandonne son cantonnement pour prendre les tranchées près de l’Echelle-Saint-Aurin; relevé le 5 mars, il va cantonner à Fescamps jusqu'au 12 mars et de là à Assainvilliers, où il séjourne jusqu'au 20 mars. Le 3ème bataillon quitte Etelfay, le 5 mars, et occupe les tranchées au Camp Retranché Cessier jusqu'au 22 mars. A cette date, il va cantonner à Boulogne-la-Grasse. Le régiment est en secteur à compter de mars 1916. Il a deux bataillons en ligne et un bataillon en réserve à Boulogne-la-Grasse. Il occupe les C. R. Cessier et C. R. La Chapelle jusqu'au 17 mai 1916. A cette date, le régiment abandonne le C. R. de La Chapelle et le 3ème bataillon relève un bataillon du 6ème colonial au C. R. des Loges. Le secteur du régiment est ainsi constitué: deux bataillons en ligne, un au C. R. Cessier et un au C. R. des Loges. Le 3ème bataillon en réserve de secteur à Boulogne-la-Grasse. Chaque bataillon faisait dix jours de tranchées et cinq jours de repos. Pendant le repos, les compagnies participaient aux travaux du secteur, notamment au poste de commandement du régiment.

 

Le 1er mai 1916, le général Marchand, commandant la division, remet au régiment la Croix de guerre, qui lui avait été accordée pour sa conduite à la bataille de Champagne.

 

L'état-major du régiment, qui était cantonné à La Poste, quitte cette localité vers le 15 juin et s'installe au bois Allongé.

 

Le 17 novembre, le régiment est enlevé en camions-autos pour rejoindre ses cantonnements de repos  à Viefvillers (Somme) et à Le Gallet (Somme). Le 22, le régiment se rend à Fransures et à Rogy. Le 16 décembre, le 2ème bataillon  est enlevé en camions-autos et transporté à Ignaucourt, où il stationne la nuit du 16 au 17. Pour rejoindre ensuite, par voie de terre, Chuignes et de là les anciennes tranchées entre la sucrerie de Dompierre et Dompierre. Il est relevé, le 25 décembre, et est transporté en camions-autos à Rieux-Hamet (Oise), où il reste cantonné jusqu'au 3 janvier 1917. Le reste du régiment quitte les cantonnements de Fransures et de Rogy, le 25 décembre, et se rend, par voie de terre, à Hetomesnil (Oise). Le 4 janvier, le régiment tout entier quitte ses cantonnements de l'Oise, et, par voie de terre, se rend dans la zone de la 5ème armée (Aisne), où il arrive le 11 janvier. L'Etat Major et le 1er bataillon à Montemafroy, le 2ème bataillon, à Saint-Quentin, Vaux-Parfond, La Loge-aux-Œufs et Louvry, et le 3ème bataillon à Vailly, La Briqueterie et Chézy-en-Orxois. Le 16, le régiment fait mouvement et arrive, le 17 janvier, à Arcis-le-Ponsart, où il séjourne jusqu'au 8 février 1917. Le 8 février, le régiment monte en secteur et relève le 6ème R.I.C. L' E. M. au P. C. de la cote 177, au nord-ouest de Moulins (Aisne). En ligne, deux bataillons, à gauche, à Troyon. En réserve, un bataillon à Paissy.

 

Le 53ème R.M.I.C. part sur le front le 31 mars 1915. On le retrouve début juin 1915 au camp de Mailly pour une période de formation. Il est intégré à la 20ème brigade (10ème Division - 2ème C.A.C)

 

Le 4 juin, il est transporté dans le secteur de Saint Hilaire au Temple, au nord de Chalons /Marne (Marne) IL y reste jusqu'au 22 juillet. A cette date, il est transporté à Suippes et va cantonner à l'arrière des secondes lignes. Le 24 c'est le baptême du feu. Le régiment est bombardé dans le secteur du bois de la côte 153.

 

A partir du 26 juillet, les bataillons sont occupés à des travaux d'aménagement de tranchées jusqu'au 30 août. Le 16 août, le régiment a pris la désignation de 53ème R.I.C. et mis à disposition de la 15ème division coloniale.

 

Le 31 août, il est placé en réserve. Le 2 septembre, pour la première fois il monte en 1ère ligne en avant et à l'est de Souain. Le 8, il est relevé ayant essentiellement participé à des travaux. Le 11, il remonte en première ligne, jusqu'au 16, là encore ayant essentiellement contribué à des aménagements des tranchées. De nouveaux en ligne du 19 au 23 septembre.

 

Le 25 septembre, il contribue à l'assaut en soutien au 42ème RIC sur un secteur de 500m entre Souain et le Bois Sabot et en direction de la ferme de Navarin. C'est son vrai baptême du feu. L'attaque a réussie, mais le bilan est lourd : 83 tués, 785 blessés et 113 disparus, l'équivalent d'un bataillon

 

Les jour suivants, le régiment reste sur le terrain à garder le terrain pris et à repousser les contre-attaques. Le régiment est relevé le 30 septembre et va bivouaquer au nord de St Remy / Bussy.

 

Début octobre, le régiment est transporté en camions dans le secteur de Pont Ste Maxence (Oise) où ils séjournent du 4 au 16 octobre 1915. Le 16 octobre, le régiment quitte Pont-Sainte-Maxence et va cantonner à Canly et à Jonquières (Oise), où ils séjournent jusqu'au 26 décembre 1915.

 

 

Le 15 août, le régiment est relevé des tranchées et va cantonner: les 1er et 2ème bataillons, à Coivrel; le 3ème bataillon et la C.H.R., à Vaumont. Le 20 août, les 4ème, 8ème et 12ème compagnies quittent leur cantonnement pour se rendre à Vaux, où elles forment le dépôt divisionnaire du régiment. Le régiment quitte ses cantonnements, le 2 septembre, et il est transporté en camions-autos au bois de l'Intendance, près de Mézières (Somme), où il séjourne jusqu'au2 octobre. Le 3 octobre, le régiment quitte le bois de l'Intendance et est transporté en camions-autos au bois de Chuignolles (Somme) et cantonne au camp de Marly. Le 1er bataillon quitte le camp de Marly et prend les tranchées devant Barleux. Les 2ème et 3ème bataillon, celui auquel appartient Jacob YVON, quittent le camp de Marly, le 7 octobre, et vont prendre les tranchées près de Belloy-en-Santerre (tranchée du Poivre). Le 14 octobre, à 13 h.30, un peloton de la 3ème compagnie se porte à l'assaut de la tranchée de Wurtemberg, qu'il enlève en faisant environ 80 prisonniers. Le régiment est relevé et va cantonner au camp de Marly et à Chuignolles le 4 novembre.


 

Le 14 avril, le 3ème bataillon (celui de Jacob YVON) se porte dans le secteur d'attaque pour travailler, dans la nuit du 14 au 15, à la parallèle de départ. A 18 h, départ de l'E. M. et du 1er bataillon, qui vont bivouaquer sur le bord de la route d'Œuilly à Baurieu, près de l'embranchement du chemin de la ferme de Cussy. Le 15 avril, à 9 h, le Colonel prend le commandement du secteur d'attaque. Dans la nuit du 15 au 16 avril, les unités du régiment prennent les emplacements qui leur ont été fixés pour l’assaut. Le 16 avril 1917, à 6 h du matin, les hommes montent à l'assaut. La mission du régiment est d'enlever les différentes positions ennemies sur le front variable de 400 à 800 m. La zone d'attaque, délimitée au départ par la route Paissy-Ailles, à gauche, et la lisière Ouest du village d'Ailles, à droite, comprend comme premier objectif la première position ennemie, le Plateau-des-Dames, puis le passage de l'Ailette, la position intermédiaire et la deuxième position. Suivant les circonstances, il entamera la troisième position, ou s'établira en-deçà pour permettre à des unités qui le suivent de terminer les opérations. Le dispositif en profondeur comprend le 3ème bataillon (bataillon Lagrange, celui de Jacob YVON), chargé d'enlever la première position, y compris le passage de l'Ailette; le 1er bataillon (bataillon Nypels)  chargé d'enlever la position intermédiaire et la deuxième position; le 2ème bataillon (bataillon Castex), qui poursuivra vers la troisième position. A l'heure H (6h), le bataillon Lagrange se porte à l'assaut, enlève les deuxièmes lignes et la première position ennemies. En suivant point par point l'horaire du barrage qui le précède et malgré les feux de mitrailleuses qui, plus encore que ceux de l'artillerie, le déciment, il opère en grande partie le nettoyage des tranchées, réduit dans un élan irrésistible les résistances locales et atteint la crête nord du Plateau-des-Dames, d'où il détache ses premières patrouilles vers l'Ailette. De nombreux prisonniers sont capturés, des batteries casematées nettoyées, le tunnel n° 5, qui, sur près de 250 mètres, longe le boyau de Spandau, enlevé, et y font 150 prisonniers, dont 3 officiers, appartenant en majeure partie à une compagnie de mitrailleuses. Le bataillon Lagrange est alors regroupé sur les pentes nord du Plateau-des-Dames, au bord de la plaine de l'Ailette. Pendant ce temps d'arrêt, qui est d'abord conforme à l'ordre d'engagement, les feux de mitrailleuses deviennent de plus en plus nombreux et violents. La ferme de La Bovelle, de La Tuilerie, l'éperon d'Aillesse couvrent peu à peu de défenseurs. Des mitrailleuses s'y révèlent, qui prennent d'écharpe nos patrouilles vers l'Ailette et interdisent toute progression du bataillon. C'est dans cette situation que le commandant Lagrange apprend que le  colonel  a été tué dans la première tranchée allemande, que les chefs de bataillon Nypels et Castex sont hors de combat et qu'il droit prendre le commandement du régiment. Ordre est donné immédiatement de regrouper, de reconstituer les unités désorganisées par les pertes importantes encadres et en troupe

 

 

Dans la nuit du 6 au 7 mars, le régiment est relevé par le 6éme colonial. Il cantonne dans la nuit du 7 au 8 mars, 1er ( celui de Jacob YVON) et 3ème bataillons, à Baslieux-les-Fismes; 2ème bataillon, à Coulandon; l'Etat Major à Fismes. Le 8 mars, le régiment se porte, par voie de terre, à Arcis-le-Ponsart, où il cantonne jusqu'au 19 mars. Il prend ensuite le sous-secteur de Vassognes, où il relève le 33ème colonial. Le 19 mars, le régiment quitte Arcis-le-Ponsart et cantonne à Baslieux-les-Fismes. Dans la nuit du 20 au 21 mars, la relève est effectuée: E. M. et C. H. R., au Village Nègre ; 2ème bataillon au C.R. de la Vallée Foulon; 3ème bataillon au C. R. du plateau de Vassogne. Dans la nuit du 27 au 28 mars, le 1er bataillon (celui de Jacob YVON) relève, dans le secteur de gauche, le 3ème bataillon, qui va occuper les creutes de Champagne. Dans la nuit du 28 au 29 mars, le 2ème bataillon est relevé par un bataillon du 33ème colonial et va occuper les creutes de la Somme. Le régiment est relevé, dans la nuit du 4 au 5 avril, par le 8ème régiment de tirailleurs algériens: l'E.M. et le 1er bataillon vont cantonner à Baslieux-les-Fismes, et, dans la nuit du 5 au 6, le 2ème bataillon va à Révillon et le 3ème bataillon à Baslieux-les-Fismes. Le 2ème bataillon prend les tranchées dans la nuit du 10 au 11 avril. La relève est exécutée sous un violent bombardement d'obus asphyxiants.

 

 

exemple d'ordre d'assaut pour le 16 avril 1917

 


 

Le régiment occupe les tranchées de Bonn et de Battemberg avec les éléments avancés sur les pentes du plateau. Tout l'après-midi du 16, il est soumis à un feu meurtrier de l'artillerie. Dans la soirée, une contre-attaque ennemie, agissant sur l'aile gauche, réussit un moment à disperser quelques éléments qui se reforment et repoussent l'ennemi. Le soldat de 2cl Jacob YVON est sain et sauf suite à cette première journée. Le lendemain matin, 17, vers le centre, contre-attaque allemande qui prend pied dans la tranchée de Bonn, mais est refoulée. Au cours des journées des 17 et 18 avril, le régiment, en s'efforçant d'assurer sa liaison avec les régiments voisins, se maintient sur ses positions sous un bombardement continuel et serré de près, à son aile droite surtout, par l'ennemi qui est presque en contact avec les troupes. Le régiment est relevé, dans la nuit du 18 au 19 avril, parle 18ème régiment de tirailleurs, auquel il remet tout le terrain qu'il a si brillamment conquis et dont pas un pouce n'a été perdu, et cela malgré les effets meurtriers de l'artillerie ennemie, des mitrailleuses, malgré un temps abominable qui a converti le sol en bourbier.

 

ambulance lors du la bataille du Chemin des Dames

 

 

Les autorités militaires ne peuvent indiquer où se trouve la sépulture de Jacob YVON. Après les événements, son corps n'a pas été retrouvé, ou s'il a été retrouvé, il n'a pu être identifié. Il se trouve donc probablement dans l'un des ossuaires situés dans l'une des Nécropoles nationales situées à proximité du champ de bataille... probablement celle de Cerny-en-Laonnois qui abrite 5 150 combattants français tombés lors des combats au Chemin des Dames. 2764 sont en tombes individuelles et collectives et 2386 en ossuaire. Cette nécropole a reçu les corps des combattants des plateaux de Vauclerc, de Vendresse et de Troyon et ceux inhumés sur le territoire des communes de Beaulne, de Paissy, de Braye-en-Laonnois, de Moulins, etc.  ou celle de Craonnelle qui accueille les corps de 3.936 combattants morts dans les combats du plateau des Casemates et du plateau de Californie, mais aussi, ceux des postes de secours de Craonnelle, des Flandres à Oulches, de Vassogne, de Jumigny, de Craonne, du Moulin de Vauclair, et d'ailleurs encore...

extrait du J.O. du 12 mai 1924

 

le coteau à gravir sous la feu des ennemis pour accéder au village d'Ailles, aujourd'hui  disparu

 

 

Jacob YVON est blessé lors de cette seconde journée. Il ne survivra pas à ses blessures et décèdera, Mort pour la France, probablement quelques heures après dans l'ambulance des premiers secours le 17 avril 1917 sur le territoire de la commune d'Ailles, aujourd'huy Chemizy-Ailles, dans l'Aisne.

 

Il était âgé de 37 ans. Il laisse une veuve et un orphelin d'un premier mariage de 11 ans.

 

Curieusement, il n'y a pas d'acte de décès rédigé par les autorités militaires et il faudra attendre un jugement déclaratif prononcé par le tribunal civil de Lorient le 3 mars 1922. Ce jugement sera transcrit sur le registre d'État-civil de Groix le 27 mars 1922.

 

Le nom de Jacob YVON sera gravé sur tous les monuments mémoriels de Groix.

 

extrait de la liste des hommes mis hors de combat du 17 avril (J.M.O. du 53ème R.I.)

 

ossuaire de Cerny-en-Laonnois

 


les tranchées françaises (en rouge) à la fin avril 1917