Mort pour la France

Paul Charles GUÉRAN  (1890 / 1918)

un marin et le 3ème dépôt de Lorient

un soldat du 88ème R.I.T.

Fils de Paul, un marin pêcheur groisillon, né à Groix en 1836 et de Marie Catherine STÉPHANT, une groisillonne née en 1832, mariés en juin 1864, à Groix et résidant le bourg de Loctudy, Paul Charles GUÉRAN est né le 3 mai 1874 à Groix, dans une maison du bourg de Loctudy. C'est le quatrième enfant d'une fratrie de 5.

 

Après quelques années sur les bancs de l'école, Paul Charles comme la plupart des jeunes groisillons envisage sa future profession comme marin-pêcheur, il s'embarque donc comme mousse sur les dundees groisillons pour faire son apprentissage vers l'âge de 11/12 ans comme c'est la tradition. A la veille de la campagne thonière, il devient novice en juin 1889. En  juin 1892, il est inscrit définitif sur le registre des gens de mer du quartier de Groix sous la matricule n°1351.

 

Le 23 décembre 1894, il est levé (appelé) pour effectuer son service militaire dans la Marine d'État, et, comme la plupart des groisillons, affecté à 3ème dépôt des équipages de la flotte à Lorient pour ses classes. Il est toutefois défini comme sursitaire, étant fils unique de veuve, son père étant décédé, alors qu'il était le patron de la "Marie Joseph", le 23 juillet 1877 à Arcachon et son frère aîné étant décédé en décembre 1884, à La Rochelle.

Paul Charles se fait rayer de l'inscription maritime le 24 décembre 1897, probablement à l'époque où il embauché comme ouvrier à l'arsenal de Lorient.

 


 

Paul Charles GUÉRAN se marie le 27 novembre1899 à Groix, avec une amie d'enfance, Marie JÉGO, née en Groix en mai 1875. Ils auront un enfant. En janvier 1903, il est muté à l'arsenal de Rochefort (à sa demande ?). Son épouse ne semble ne pas le suivre. Apparemment, cette union n'est pas très heureuse, alors qu'il dispose d'un emploi de menuisier à l'arsenal son épouse tient un estaminet, le "bar de la Flotte" rue traversière à  Lorient surtout fréquenté par des marins. Celle-ci semble mener une vie dissolue, et Paul Charles souffre de cette situation. Il semble même être hospitalisé dans le nouvel hôpital ouvert en 1906, Bodélio, pour des troubles psychologiques selon les déclarations de son épouse.

 

 

A la fin de l'année 1910, le couple se sépare, mais en janvier 1911, Paul Charles qui a gardé de forts sentiments pour son épouse, entre dans son ancien domicile dont il a encore les clés et y trouve, un homme, un certain BOYÉ, mécanicien à bord du "Lavoisier". Ulcéré, il revient deux jours plus tard et frappe de plusieurs coups de couteaux son épouse. (voir articles de presse ci-dessous).

 

Paul Charles BOYER réintègre l'arsenal de Lorient le 3 mars 1911

 

Finalement le couple divorce, jugement rendu le 26 juillet 1911, aux torts réciproques.

 

 

Au début de la guerre en août 1914, Paul Charles GUÉRAN est âgé de 40 ans. Ouvrier à l'Arsenal, il est classé non disponible, sans affectation militaire, car utile à l'entretien des navires combattants. Il garde ce statut jusqu'au 15 octobre 1918.

 

Le 16 octobre 1918, il est rappelé à l'activité militaire et affecté au 88ème régiment d'infanterie territoriale (88eme R.I.T.) dont le dépôt se trouve à la caserne Bisson à Lorient. Il rejoint son régiment dès le lendemain.

 

Il supporte mal cette situation et des troubles psychologiques réapparaissent à tel point qu'il est de nouveau hospitalisé à Bodélio le 22 octobre 1918.

 

Le 7 décembre, les médecins jugeant son état stabilisé le renvoie dans sa caserne.

 

extrait du journal "Ouest-Éclair" du 18 décembre 1918

acte de décès

 

Mal leur a pris, le 16 décembre Paul Charles GUÉRAN est victime de ce que les autorités militaires ont appelé pudiquement un "accident". Il est retrouvé de bon matin dans la cour de la caserne Bisson, la cuisse et le bassin fracturés et de nombreuses lésions internes. Les militaires connaissent les circonstances, mais en cette époque de fin de conflit, il n'est pas bon de l'écrire clairement.

 

Il est transporté à l'hôpital mixte de Lorient où sa mort est constatée.

 

C'est un entrefilet dans la presse qui nous apprendra que Paul Charles a sauté par une fenêtre du 2ème étage de la caserne pour se suicider.

 

Bien entendu le statut de "Mort pour la France " lui sera refusé. Les autorités locales de Groix "oublieront" d'inscrire son nom sur le monument aux morts, malgré les suppliques de sa mère et de ses soeurs.

 

Quand à l'église, elle oubliera aussi, on ne badine pas avec les suicidés.

 

Il sera inhumé à Lorient dans la plus grande discrétion .

 


 

Extrait du quotidien " Le Nouvelliste du Morbihan" en date du 19 janvier 1911.

 

Le journaliste ne fait pas dans la dentelle, traitant Paul Charles GUÉRAN de "meurtrier" car même si la victime (et son potentiel amant) reçoit des coups de couteaux, elle n'est même pas hospitalisée

 

 Extrait du quotidien "L'Avenir du Morbihan". daté du 22 janvier 1911