Mort pour la France

Jean Marie QUÉRÉ (1876 / 1920)

 

Fils de Laurent, un marin-pêcheur groisillon, né en 1835 et de Radégonde ÉVEN née à Groix en 1835, mariés à Groix en août 1864 et résidant dans le village de Kerlo bras, Jean Marie QUÉRÉ est né le 4 juin 1876, à Groix, dans le village de Kerlo bras. C'est le 6ème enfant d'une fratrie de 7, mais le seul garçon.

 

Après quelques années sur les bancs de l'école, comme la plupart des garçons de l'île Jean Marie fait son apprentissage de marin-pêcheur en embarquant comme mousse sur les dundees groisillons.

 

A l'âge de 15 ans, vers juillet 1891, il est inscrit maritime provisoire et devient novice.

 

En juillet 1893, il est matelot et est inscrit définitif sur le registre des gens de mer du quartier de Groix avec le n° matricule 1333 / Groix.

 

Il est déclaré sursitaire, vis-vis du service militaire, car "soutien de famille" étant le seul garçon de la famille et son père étant devenu impotent.

 

 

Jean Marie QUÉRÉ se marie à Groix, avec une groisillonne, Marie Hélène GUILLAUME, née en mars 1879, le mardi 23 décembre 1913. Ils résideront dans le village de Kerlo bras et auront un enfant.

 


 

Quand la guerre éclate en août 1914, Jean Marie QUÉRÉ est âgé de 38 ans. S'il a répondu à l'appel de mobilisation début août, il est renvoyé à son domicile n'ayant pas reçu de formation militaire, la Marine n'ayant pas de poste où l'affecter.

 

C'était sans compter avec les besoins sans cesse croissants de l'Armée de terre, suites aux pertes de l'été et de l'automne 1914, il est mis à disposition de l'Armée de terre le 5 février 1915 et affecté le 24 février 1915 au 2ème Régiment d'infanterie coloniale dont le dépôt se trouve à Brest. Quelques jours après son arrivée, le 18 mars 1915, il est mis à disposition de l'armement Bordes dont le siège de la Compagnie est à Bordeaux.

 

"Persévérance" de l'armement Bordes, torpillé et coulé le 24 sept. 1917

 

Sans sa fiche matricule, on ne sait sur quels navires de la compagnie, Jean Marie QUÉRÉ a navigué durant les 19 mois (avril 1915 à novembre 1916) qu'il a été affecté à cette compagnie. Il a probablement fait au moins deux aller et retours vers Iquique, le port spécialisé dans les nitrates au Chili. Il a toutefois échappé à la grande "saignée" de l'année 1917.

 

Il est remis à disposition de la Marine le 20 novembre 1916, à la demande de la Marine nationale entre autres pour réarmer des navires à la pêche qui étaient à l'arrêt depuis le début de la guerre. En effet, malgré les efforts du "Ravitaillement", un certain nombre de denrées sont rationnées et les restrictions affectent la population. Le poisson est un appoint non négligeable, mais la situation de la pêche n'est pas brillante. La mobilisation a réduit fortement les équipages, les bateaux restent dans les bassins ou pourrissent lentement sur les vases. Les chalutiers ont été réquisitionnés par la Marine pour être armés en dragueurs de mines.

 

Pour redonner vigueur à la pêche... les autorités facilitent la remise en état des bateaux et libèrent les Inscrits Maritimes, des vieilles classes, mobilisés. Pour protéger les pêcheurs, des voiliers sont armés de canons et un certain nombre sont réquisitionnés par la Marine et transformés en garde-pêches armés par des marins mobilisés ( A.M.B.C.)

 

extrait du Monument aux Morts de Groix

 

 

Quand commence la Première Guerre mondiale, l'armement Bordes fondée en 1868 est constitué de 46 navires à 3 et 4 mats, 60 capitaines, 170 officiers et 1 400 matelots et maîtres. Il était le spécialiste du transport de nitrate d'abord à des fins agricoles, puis militaires, entre le Chili et la France. La compagnie importait d'ailleurs la moitié du nitrate européen. Pendant le conflit, ses navires effectuèrent ainsi cent vingt-deux voyages pour approvisionner les ports français, ce qui fut primordial pour l'effort de guerre. En effet, le nitrate était, à cette époque, un constituant des poudres pour les explosifs. Ces rotations auront donc une importance capitale pour le sort des armes. À noter que la compagnie avait été réquisitionnée par l'État début 1917, ce qui avait occasionné un changement de nom, l'armement Bordes devenant la Compagnie d'armement et d'importation des nitrates de soude.

 

Cependant, les grands navires à voiles, lents et peu manœuvrants, seront des cibles faciles pour les sous-marins et la navires corsaires allemands. Bien que les voiliers furent écartés du trafic européen à partir de l'été 1917, 23 navires seront coulés durant le conflit dont:

"Valentine" (1900), arraisonné et coulé le 3 novembre 1914, "Chanaral" (1892), coulé le 22 avril 1916, "Pacifique" (1883) disparu le 21 octobre 1916, "Aconcagua" (1880) coulé le 1er janvier 1917, "Antonin" (1902), capturé et coulé le 3 février 1917, "Rancagua" coulé le 10 février 1917, "Cambronne" (1896), coulé le 8 juillet 1917, "Coquimbo" (1890), le 11 juillet explose sur une mine allemande, "Alexandre" (1892) coulé le 1er août. 1917, "Marthe" (1900), coulé le 2 août 1917, "Tarapaca" (1886), coulé le 1er septembre 1917, "Blanche" (1898) coulé le 19 septembre 1917, "Persévérance" (1896), coulé le 24 septembre 1917, "Europe" (1897), coulé le 24 septembre 1917, "Jacqueline" (1897), coulé le le 25 septembre 1917, "Quillota (1902) coulé par erreur le 6 octobre 1917 par un navire anglais, "Victorine" (1879), coulé le 7 octobre 1917, "Tijuca" (1892) coulé le 22 novembre 1917, "Chili" (1885), coulé le 13 décembre 1917.  A part le "Quillota", tous ces navires ont fait l'objet de fais de guerre de la part de la marine allemande.

 

exemple de chalutier garde-pêche en 1918

 

 

Jean Marie QUÉRÉ, "sursitaire" reprend ses activités à la pêche sur les dundees groisillons, puis finalement est démobilisé.

 

Les difficiles conditions de vie sur les "cap-horniers" de l'Armement Bordes ont probablement laissées des traces sur la santé de Jean Marie.

Malade, il décède des suites de cette maladie, à son domicile de Groix, le 12 février 1920. Il est âgé de 43 ans. Il laisse une épouse et un jeune enfant.
Sa maladie, probablement contractée en mer, ne sera pas reconnue par les autorités militaires.

 

Déclaré le lendemain à l"état-civil, il est inhumé au cimetière communal de Groix. Il ne bénéficie pas de la mention Mort pour la France, puisqu'il a été démobilisé bien avant son décès et que sa maladie n'est pas reconnue.

 

Les autorités civiles de Groix seront plus généreuses, puisque son nom est gravé sur le Monument aux Morts de Groix.