Mort pour la France

Jean Paul STÉPHANT (1888/1916)

 

Fils de François Marie, marin pêcheur; né à Groix en 1852 et de Victoire LE GREL, une groisillonne née en 1853, mariés à Groix en juin 1883 et résidant dans le village de Locmaria, Jean Paul STÉPHANT est né à Groix le 4 août 1888 dans le village de Locmaria. Il est le 3ème enfant d'une fratrie de quatre.

 

Comme la plupart des jeunes groisillons, après quelques courtes années sur les bancs de l'école, il fait son apprentissage à la pêche en s'embarquant comme mousse vers 11/12 ans. A 15 ans il devient novice et en 1906 il est inscrit définitif sur le registre des gens de mer du quartier de Groix sous le matricule n° 1863.

 

En 1908, il est levé pour effectuer son service militaire. Il est d'abord affecter au 3ème dépôt des équipages de la flotte à Lorient.

 

Rendu à la vie civile, en 1911, il reprend ses activités à la pêche.

 

Il restera célibataire.

 

Jean Paul STÉPHANT décède le 26 novembre 1916, en mer, au large de Lisboa (Lisbonne - Portugal)


 

En août 1914, à la mobilisation, Jean Paul STÉPHANT fêtera son 26ème anniversaire, le 4 août, au dépôt des équipages de Lorient où il vient d'être rappelé. Il est dit matelot sans spécialité sur sa fiche matricule, mais on le dit Gabier sur d'autre documents, notamment sur son acte de décès.

 

Jean Paul STÉPHANT embarquera à une date inconnue (à rechercher) sur le Cuirassé "SUFFREN", de 12 728 tonnes développant 16 500 cv et d'une longueur de 126 m, pouvant atteindre 18 noeuds. Il était armé de 2 fois 2 canons de 305 mm, 10 canons de 164 mm, 8 canons de 100 mm, 22 canons de 47 mm, 4 canons de 37 mm et de 4 tubes lance-torpilles de 450 mm.

 

Construit à l’arsenal de Brest, il est mis en service en septembre 1903. Le 1er avril 1914, il devient le navire amiral, d’une division en Méditérannée comprenant également les cuirassés Saint-Louis, Gaulois et Bouvet, commandée par l’amiral Guépratte.

 

La journée d'un marin à bord du "Suffren"

5 heures, branlebas, le clairon sonne la diane

Habillage, démontage et rangement du hamac

Vingt-cinq minutes pour déjeuner

Aux postes de propreté, lavage corporel puis lavage du bâtiment.

8 heures, les couleurs

9 heures, inspection

10 heures, diner

11 heures 30, exercices

16 heures, souper

18 heures 15, branle-bas de combat

21 heures, extinction des feux

En sachant que les marins sont soumis à un tour de rôle de 4 heures, la quart

 

Le 9 août 1914, le "Suffren" intègre la Division de protection des transports de troupes d'Algérie

Le 24 septembre 1914, il est envoyé aux Dardanelles avec la "Vérité" (division Guépratte)

Le 3 novembre 1914, il participe au bombardement des forts de l'entrée des Dardanelles avec la Vérité

A partir de décembre 1914, il reste dans les parages des Dardanelles

 

Le 19 février 1915, le "Suffren" participe au bombardement du cap Hellès et des forts turcs qui protègent l’entrée des détroits. Le SUFFREN, embossé devant la côte d’Asie, à mi-distance entre l’ile Mavro et le village de Yeni-Keui, exécute un tir indirect sur le fort de Koum-Kaleh à 10 500 mètres, le Bouvet lui indiquant les points de chute et indications par TSF.

 

Le 25 février 1915, l'escadre reprend les bombardements interrompus par un coup de vent.

 

Le 07 mars 1915, le "Suffren" effectue une reconnaissance dans l’entrée du détroit.

 

Le 18 mars 1915, lors de l’attaque navale, il s’illustre particulièrement pendant la tentative de forcement des détroits, il bombarde alors le fort de Tchanak et subit plusieurs tirs des armées ottomanes l'endommageant gravement, lui causant  des voies d'eau, rendant les canons inopérants.

 

Le 25 mars 1915, il fait route sur Toulon en escorte du Gaulois pour réparations.

 

Le 17 mai 1915, le "Suffren" est de retour aux Dardanelles, et le 18 mai 1915, la division de complément devient la 4ème Escadre.

 

Le 30 juin 1915, le "Suffren" tire sur les batteries de la cote d’Asie.

 

Le 29 juillet 1915, en soutien aux assauts des troupes terrestres, il canonne les pentes d’Achi-Baba, aidé d’un avion observateur.

 

En novembre 1915, il est  à Moudros avec le "République".

 

Le 2 décembre 1915, les deux cuirassés mouillent à Kephalo prêts à appuyer l’armée de terre pendant son rembarquement lors de l’évacuation des Dardanelles.

 

Le 02 février 1916, le "Suffren" exécute des tirs sur les batteries turques de la côte d’Asie. Il est touché par une torpille, il parvient à rejoindre Toulon où il reste en réparation pendant 3 mois.

 

Le 15 avril 1916, il  figure à l’effectif de la 2ème division de la 3ème Escadre de ligne.

 

Le 15 mai 1916: la 2ème division de la 3ème Escadre de ligne devient la division d’Orient.

 

Après avoir participé aux opérations à Salonique, le 15 novembre 1916, le "Suffren appareille de la baie du Pirée (Salamine) pour Lorient avec 647 officiers et marins et il embarque une centaine de permissionnaires de l'Armée d'Orient. Le 18 novembre 1916, il relâche à Bizerte, d’où il repart le 20 pour Gibraltar en passant par Malte. Le 24 novembre 1916, il quitte Gibraltar après un charbonnage. Le Capitaine qui commande le Suffren n'ignore pas qu'il va affronter "un coup de tabac" entre le Cap Finistère et Lorient, et manifeste de l'inquiétude car son navire n'est plus en bon état. De fait, le 26 novembre il y eut une forte tempête dans le Golfe de Gascogne. Les dégâts qui lui avaient été infligés aux Dardanelles ne lui permettaient d'aller qu'à 10 nœuds, mais le mauvais temps réduisait encore sa vitesse à 9 nœuds; de plus il était sans escorte.

 

lieu de disparition du "Suffren", le 26 novembre 1916

 

 

Jean Paul STÉPHANT est décédé dans l'explosion et la disparition du "Suffren" provoqué par un torpillage d'un sous-marin allemand le 26 novembre 1916 à 8h56 (heure allemande). Le corps a été englouti dans le naufrage. Il était célibataire et avait 28 ans.

 

Son acte de décès est inscrit, suite au jugement déclaratif du tribunal de Brest en date du 13 juillet 1917, dans le registre d'état-civil de la commune de Brest, port d'attache du bâtiment, à la date du 25 août 1917

 

Son acte de décès n'est pas retranscrit sur le registre de la commune de Groix.

 

En revanche son nom est inscrit sur tous le monuments mémoriels de Groix.

 

Comme tous les marins du "Suffren, il a été honoré à titre posthume de la croix de guerre avec une étoile de bronze. Mais son nom a été malencontreusement oublier dans la liste publiée le 24 décembre 1921 au Journal Officiel.

 

le "Petit Journal" du 9 décembre 1916 qui annonce la disparition du "Suffren"

 

 

extrait du tableau mémoriel situé dans l'église de Groix

 

Quelques marins du "Suffren" disparus avec leur bâtiment

le "Suffren" à Toulon en 1911

 

 

Les états-majors fanfaronnent en févier, mais le revers du 18 mars et l'échec du débarquement sont sévères.

"Petit Journal" du 27 février 1915

 

On sait aujourd'hui que 26 novembre 1916, à 90 milles dans l’ouest du Portugal, il est torpillé à 8h56 (heure allemande) par le sous-marinU-52 (Kplt Hans Walther), le "Suffren" explose au large de Lisbonne. Perdu corps et biens par 39°10N et 10°48. La torpille atteignit les moteurs et le "Suffren" coula en l'espace de quelques secondes, emportant par le fond ses 648 membres d'équipage dont Jean Paul STÉPHANT.

Mais, dans un communiqué du 8 décembre 1916, le Ministère de la Marine signalait que le cuirassé "Suffren" était considéré comme perdu corps et biens, sans que l'on n'en sache exactement les raisons. On a supposé à l'époque, que la tempête seule était responsable du naufrage car aucun sous-marin allemand ne l'avait revendiqué à son tableau de chasse.

 

Après la guerre, il fut confirmé que le sous-marin U52, commandé par le capitaine Hans Walther, avait bien envoyé par le fond le cuirassé Suffren, mais l'avait enregistré sur son livre de bord comme cuirassé anglais.

 

Les coordonnées du torpillage enregistrées par U52 étaient 39° 10 de latitude Nord, 10° 48 de longitude ouest. Elles correspondent bien avec la route suivie par le "Suffren" de Gibraltar à Lorient.

 

U-boot 52 en gros plan, à gauche le sister-ship U 51

 

 

Les actions de guerre du Cuirassé "Suffren" lui ont valu deux citations, dont une collective, à l’ordre de l’Armée. Il a légué à ses successeurs la fourragère verte.

 

Journal Officiel du 3 décembre 1919 - Citation à l’ordre du jour

La division du contre-amiral Guépratte, composée des cuirassés SUFFREN, Bouvet, Charlemagne, Gaulois; du croiseur Foudre; des torpilleurs d’escadre Poignard, Fanfare, Sabretache, Cognée, Coutelas; des dragueurs de mines Pioche, Herse, Rateau, Charrue, Marius Chambon, Provence II, Camargue, Jules-Couette, Marseillais 28, Rove, Ischkeul et Henriette. A prit part avec une magnifique bravoure à l’attaque des Dardanelles en mars 1915, donnant, malgré de lourdes pertes, un splendide exemple d’entrain, de ténacité et de discipline

 

Description des faits selon le rapport du commandant du U52

 

8h30, au large de Lisbonne, le vent souffle NW force 5, il y a une grosse houle. Le ciel est en partie couvert   A 3/4 sur bâbord avant apparaissent les mats élevés d'un navire de guerre qui fait route au nord. Plongée rapide. C'est un grand navire à 2 cheminées que je prends pour un cuirassé ancien du type Formidable. Pas d'escorte, route droite. Manoeuvré pour attaquer par l'avant. Après être venu à la route d'attaque, mis à petite vitesse. Mais à cette vitesse, la grosse houle ne permet pas de tenir l'immersion. Je mets alors à demi vitesse ce qui me fait courir le risque de venir trop près. Je change donc de route pour attaquer sous un grand angle d'incidence tout en me réservant la possibilité de lancer en gyro-déviation par les tubes arrière. Les tubes arrière étant prêts, ils sont remplis. Cette manoeuvre rend le sous-marin lourd de l'arrière et le kiosque sort de l'eau à environ 500 m. du but. En envoyant tous les hommes à l'avant, nous parvenons à ramener le bateau à son immersion de combat.

 

8h56  position longitude = 39.10N , latitude = 10.48 W

Lancé par le tube d'étrave N° 2. Comme j'ai probablement été aperçu et que je me trouve très en avant du but, je redoute d'être abordé par lui et je fais prendre l'immersion de 20 mètres en mettant la barre toute à droite. Entre temps, au bout de 18 secondes, se font entendre une première détonation assez sèche, puis une second plus sourde qui secoue violemment le bateau. Afin de voir ce qui se passe, je remonte à 11 m. Avant même que notre évolution soit terminée, tandis que nous remontons, nous devenons très lourd de l'arrière. Peu de temps après un choc se produit à l'extérieur et on entend un raclement contre la coque. Il est impossible de manoeuvrer le périscope qui est bloqué à moitié sorti. Je fais reprendre un moment l'immersion de 20 mètres. Aucun bruit n'étant plus perceptible, je fais un tour d'horizon. Sur l'arrière, je vois une grosse tache claire et calme sur la surface de la mer qui est couverte de suie. On ne voir rien d'autre. Fait surface, vidangé les ballasts et ouvert le panneau du kiosque. Sept minutes après le lancement on ne voit plus qu'un nuage d'explosion que le vent emporte. Je m'explique l'évènement ainsi : l'explosion de la torpille a provoqué une explosion intérieure sur le bâtiment qui a coulé presque instantanément et le sous-marin l'a frôlé pendant qu'il coulait. Les traces de cette rencontre sont un enfoncement sur le pont et de profondes rayures sur le périscope arrière. De plus, sur l'un des supports des pare-mines se trouve un morceau de vêtement en toile et sur le mât avant (il s'agit du mât radio), un morceau de bonnet bleu avec une bordure rouge. Ces deux pièces d'étoffe sentent le roussi. Sur le pont, on retrouve également un morceau métallique provenant d'un projectile de gros calibre. Cherché pendant 30 minutes encore des épaves ou des survivants, mais n'avons rien trouvé. Poursuivi la route.

 

Transcription collective du jugement déclaratif de décès prononcé par le tribunal de Brest, le 13 juillet 1917, dans le registre d'état-civil de cette commune (port d'armement du "Suffren") en date du 25 août 1917.