Groix en 1914

 

L'île de Groix est très peuplée à cette époque, de fait c'est même la période où elle est la plus peuplée: 5.800 habitants au recensement de 1911, soit près de 400 habitants au km2, alors à la même époque le Morbihan ne compte que 85 habitants au km2. Le premier port de France pour la pêche aux thons a besoin de bras. Ce recensement dénombre 2 800 femmes, 1 000 enfants, 1 000 hommes âgés de plus de 45 ans, et 1 000 hommes de 18 à 45 ans (à préciser).

 

A Groix, comme ailleurs sur la côte atlantique, la première pêche a longtemps été la sardine. A Groix, comme ailleurs, la disparition du petit poisson a contraint les marins à chercher d'autres captures. Mais, ici, l'activité de substitution a vite dépassé en importance celle d'origine: les grandes chaloupes sardinières non pontées, gréées au tiers, se sont recyclées en chalutiers-germoniers dès les années 1860 et traquaient, à la belle saison, les bancs de thon avec succès.

Profitant de sa proximité des lieux de pêche, Groix développe son industrie de la conserve et sa flottille. A la veille de la guerre de 1914, il y a 277 navires thoniers immatriculés à Groix, sans compter les dundees groisillons armés sur le continent. Port-Tudy, malgré ses dimensions modestes, est le premier port thonier français. En sachant qu'il y a 1 patron, 4 hommes et un mousse à bord de chaque navire, le nombre de marins s'élève environ à à 1.660 (270 jeunes de moins de 18 ans, les mousses et 1390 adultes).

De la grosse chaloupe creuse des années 1860 aux derniers grands dundees, les charpentiers et voiliers ont accompagné les besoins des marins qui souhaitaient des bateaux de plus en plus grands, de plus en plus marins, de plus en plus rapides, de plus en plus manoeuvrants. Des qualités nécessaires pour une pêche sans cesse plus lointaine: les bateaux allaient chercher le thon blanc dès le début de l'été au large de l'Espagne puis suivaient sa migration jusqu'en Irlande, en septembre.

Leur rapidité leur permettait de revenir à terre dans les meilleurs délais pour livrer leur poisson frais aux usines de conserve. Elle leur permettait aussi de pratiquer à l'occasion la contrebande de sardine espagnole. Enfin, pour le plaisir et la fierté des marins, elle en faisait de magnifiques bêtes de régates lors des fêtes de l'île.

 

 

Fin avril, les élections législatives sont âpres entre les "pro libertés religieuses" et les laïcards. C'est le député sortant Ernest LAMY, pour le plus grand plaisir du rédacteur de La "Croix de Groix " qui est réélu battant le socialiste ESLEVIN, maire de Lorient. Les résultats à Groix sont de 459 voix pour le premier contre399 voix pour le second, pourtant soutenu par le Maire de Groix, BIHAN. Au niveau national, c'est la gauche (hostile à la Religion sic le rédacteur de la CdG) qui remporte ces élections. Le  samedi 13 juin, le gouvernement conduit par René VIVIANI (Député de la Creuse de 1910 à 1922, cofondateur du journal "L'Humanité" avec Jean JAURES, initiateur de l'impôt sur le revenu des personnes physiques) entre en fonction.

 

Ernest LAMY


 

Le 7 juin, l'évêque est venu sur l'île à la grande satisfaction de Jean Marie ALLAIN, le recteur. La traditionnelle bénédictions de la flottille de pêche a eut lieu le 26 juin, deux jours avant l'assassinat le François-Ferdinand à Sarajevo. Dès le lendemain, les premiers dundees quittent Port-Tudy et les autres ports de l'île. La tension internationale monte et le mardi 14, jour de la fête nationale, Jean JAURES, en bon visionnaire, appelle à la grève générale internationale contre la guerre. Ce qui reste malheureusement sans grands effets.

 

En cette fin juillet, la saison de la pêche aux thons a commencé depuis un mois et les moissons ont été excellentes. Que savent les groisillons des tensions qui agitent les ambassades. Qu'en dit le recteur dans son prône du dimanche 26 juillet ? Qu'en dit la presse locale; la "Croix du Morbihan" daté du 26 juillet ne s'en fait pas l'écho, quand au "Courrier morbihannais" de la même date ça et là quelques évocations mais sans rendre compte de la gravité. peut-être à ce moment là, personne ne la perçoit.

 

 


 

Le samedi 1er août, l'ordre de mobilisation générale est déclarée en France et en Allemagne. L'Allemagne déclare la guerre à la Russie. A la fin de l'après-midi, le tintement répété de la grosse cloche de l'église du bourg, le tocsin, alerte les habitants de l'île "Ecoutez comme ça sonne ! On dirait que la guerre est déclarée… C'est la guerre ! " … Tous savaient que ça allait mal depuis quelques jours : les événements se précipitaient. Mais beaucoup espéraient qu'on n'arriverait jamais à cette situation. C'est vers 16 heures que l'ordre de Mobilisation Générale a été placardé dans tous les bureaux de poste. Une telle nouvelle parvient rapidement, même jusqu'à Groix, dans les villages les pus reculés. Le premier jour de la mobilisation est le 2 août 1914 à 0 heure. Les hommes doivent partir le deuxième jour, comme l'indique leur fascicule de mobilisation, bon citoyen et bon soldat, respectueux des ordres, ils partent pour Lorient le 3 août au matin, après la première messe pour les plus croyants et la musette bourrée de victuailles sur le dos, parmi eux Emile Le Clainche, du bourg. Pour les inscrits maritimes, c’est le 3ème dépôt de marins de la flotte.