Mort pour La France

Yves Marie GLOAGUEN (1881/1915)

un jeune homme de Poulgoazec

un fantassin en vers juin 1915

 

Fils de Jean Guillaume, né en 1824 et de Marie Catherine SALAÜN, née en 1836, mariés en juin 1857 à Plouhinec (Finistère), Yves Marie GLOAGUEN est né le 24 avril 1881 à Plouhinec en Finistère, dans le village de Poulgoazec (confirmé par son de naissance et son acte de mariage) 

 

Plouhinec est située à l'entrée sud du Cap Sizun, près du Pays Bigouden. La commune, et notamment le village de Poulgoazec, est riveraine de la baie d'Audierne et voisine de ce célèbre port de pêche. Le bourg est situé à une certaine distance de la côte, sur un plateau, caractéristique de communes littorales bretonnes, probablement par crainte des piratesA la fin du XIXème siècle, le port de Poulgoazec connu un essor important. En 1901, on compte1 625 inscrits maritimes à Plouhinec, dont la plupart à Poulgoazec, soit plus qu'à Audierne. La place manquant, côté Audierne de l'estuaire du Goyen; plusieurs conserveries s'installèrent à Poulgoazec. En 1901 les conserveries  employaient près de 300 personnes, et en 1906, Poulgoazec compte 110 barques de pêche jaugeant 682 tonneaux et embarquant 625 hommes d'équipage.

 

C'est le petit dernier d'une fratrie de 11 enfants. Il vit son enfance au milieu des activités maritimes et, comme beaucoup de jeunes, s'embarque comme mousse dès l'âge de 11/12 ans, son père étant décédé lorsqu'il avait 4 ans.

 

A l'époque de son recensement militaire en 1900 ( matricule 1173 ou 1298 / Quimper), il est déjà inscrit maritime sous le matricule Audierne / 4064, mais il n'effectue pas de service militaire, car il est réformé en juin 1901 pour infirmité. Ce qui ne l'empêche pas de naviguer à la pêche.

 

Il se marie à Groix le 10 novembre 1909, avec une native de l'Ile aux moines, Léontine Marie LE MENTEC, née en 1886, une jeune veuve, installée à Groix. Ils auront au moins un enfant né en février 1914.

 

Yves GLOAGUEN décède le 6 juin 1915 à Moulin-sous-Touvent dans l'Oise. Il avait 34 ans


A la mobilisation, Yves Marie GLOAGUEN est convoqué par le conseil de révision le 19 décembre 1914. Il est déclaré apte... Sa fiche matricule semble ensuite comportée des erreurs, probablement par confusion avec un autre Y.M. GLOAGUEN né à Audierne, le 2 mai 1881. Il est affecté, selon la fiche du SGA qui note son décès, au 265ème, dit « Le régiment Rose »le régiment de réserve du 65ème RI dont le dépôt se trouve à Nantes.

 

En 1914, il appartient au 121ème Brigade d’Infanterie intégrée à la 61ème Division d'Infanterie (une division de réserve) qui est affectée en août 1914 à la défense du camp retranché de Paris, constitué de 2 bataillons.

 

Il participe à la défense de la place forte de Paris jusqu'au 25 août (Aulnay-sous-Bois, ferme Savigny, Mitry, Villepinte, puis il est dirigé en   Artois (Lens, Gavrelle) et  avant d'effectuer une retraite par Arras, Bapaume, Ginchy, Combles, Guillemont, Morval, bois des Bouleaux, bois des Trônes, le 28 août où il combat et où perd de nombreux hommes. On le retrouve à Amiens au début de septembre 1914. Il participe à la bataille de la Marne du 5 au 13 sept. dans le secteur de l'Ourcq.

 

A partir d'octobre 1914 jusqu'à la fin 1915, le 265ème RI se trouve dans le secteur de Moulin-sous-Touvent, ferme du Tiolet, Quennevières, Bitry, ferme Gamet, ferme Navet, puis Tracy-le-Mont.

Le 18 janvier 1915, le régiment est alerté lors de la poussée allemande vers Soissons, mais sans conséquence. Il reste jusqu'au 12 mars dans le secteur de Bitry. C'est aussi à cette date qu' Yves GLOAGUEN rejoint son régiment au front, il est affecté à la 17ème compagnie (5ème bataillon)

 

A cette date, le 265ème régiment est déplacé à une faible distance pour les carrières de la Cense, près Saint-Crépin-aux-Bois, qui deviennent pour trois mois leur secteur de garde. Ls tranchées font face à l'est au lieu de faire face aunord: et c'est toujours Moulin-sous-Touvent qui est devant nous. Le secteur est seulement plus périlleux. Les tranchées sont toutes proches de l'ennemi: 80 à 100 mètres à peine. Les engins de tranchée abondent et ne restent guère inactifs. Les hommes reçoivent et lancent des bombes de toutes les sortes. Petits mortiers, canons pneumatiques, arbalètes, frondes, tromblons, grenades à fusil; grenades à main sphériques, cylindriques, ovoïdes ou piriforme ; pétards bardés de fil de fer, chaque semaine apporte sa nouveauté qu'ils emploient aussitôt. Le mouvement est commencé qui fera de l'infanterie une arme complexe et savante.


 

Chaque nuit les hommes restaurent ce que les "engins ennemis" démolissent; ils apprennent à creuser des abris profonds; à coffrer des sapes obscures; à cheminer en galeries, comme des taupes, sous le sol. De temps en temps, un camouflet détruit les galeries adverses ou bien l'on fait sauter un fourneau de mine sous un petit poste allemand. 

 

Le 12 avril, même, c'est en plein jour que quelques hommes rampent vers un entonnoir sous le feu des mitrailleuses toutes proches et rapportent dans les lignes d'utiles renseignements.

 

Les travaux, les patrouilles battent leur plein. On ne parle plus que bastions, saillants, courtines, redans, lunettes, parados, chicanes, camouflages et flanquements. Les positions se compartimentent, se cloisonnent de barrages, se hérissent de fils de fer. Le dressage des chevaux de frise n'est plus qu'un jeu. Les équipes plantent et entrelacent, à la barbe de l'ennemi, de larges réseaux sur piquets. Les grenadiers audacieux, se glissant dans les hautes herbes, vont souvent se faire la main sur les sentinelles d'en face.

 

Ceux qui arrivent en renfort sont généralement plus jeunes. Le 265ème qui n'est déjà plus un régiment de réserve, sera de moins en moins un régiment de réservistes.

 

 

en rouge, les tranchées françaises

 

La préparation d'artillerie est gigantesque. Des positions d'attente, les hommes regardent; bombes et obus de tous calibres tombent dru sur les ennemis. On voit voler, dans la poussière, les boucliers de parapet, les madriers et les blindages. Toute la nuit, les crêtes flambent. L'aube paraît, sous le ciel pur, les hauts panaches de fumée s'irisent au soleil.

 

Le 6 juin 1915, à 10h15 l'assaut est lancé par le 2ème Zouaves, appuyé par des tirailleurs algériens et les Bretons du 264ème, et du 265ème RI en deuxième vague. Moins d'une demi-heure plus tard les premières lignes allemandes étaient enlevées, faisant au passage de nombreux prisonniers.

 

Seuls, leurs « nettoyeurs » courent encore le long des tranchées qui le bordent. Des fanions, auprès d'eux, s'agitent. C'est le signal. Le front ennemi est crevé; mais des renforts sont nécessaires: au 265ème de marcher de l'avant. Le 5ème bataillon (celui dYves GLOAGUEN) quitte ses places d'armes, s'achemine par les boyaux, débouche des lignes françaises et traverse l'étroit ravin au fond duquel elles s'allongent. Pas un souffle dans l'air brûlant. Vers le sud, au-delà du front de l'attaque, une mitrailleuse les prend de flanc. Il faut ramper dans l'herbe chaude, sous le soleil écrasant, et se plaquer contre le sol. Quiconque lève un peu la tête est cloué sur place aussitôt; les cadavres les avertissent.

 

Les Zouaves parvinrent ensuite à la deuxième ligne, situé dans l'étroit ravin de Touvent où ils capturèrent trois canons de 77, qu'ils aménagèrent avant la contre-attaque ennemie qui ne tarda pas, et qui continua le lendemain (7 juin), en étant à chaque fois repoussée. Ils passent, cependant; mais, au creux des tranchées profondes, l'atmosphère est irrespirable. Sous le coup de la chaleur, de nombreux soldats, quelques officiers s'affaissent. Les zouaves sont bientôt relevés aux barrages de l'aile droite. A ce moment, la 17ème compagnie (celle d'Yves GLOAGUEN) gagne encore un peu de terrain et, prenant de flanc à son tour la mitrailleuse qui nous gène, entrave heureusement son tir. Plus loin, les 18ème et 20ème compagnies, que la 23ème rejoint bientôt, à l'aile gauche, occupent les tranchées conquises et se préparent à les défendre, tandis qu'une partie de la 19ème, se déployant à découvert, renforce les vagues d'assaut. Ce groupe réussit à faire avorter le retour offensif que l'ennemi dessine; mais il laisse aux mains de celui-ci plusieurs blessés, parmi lesquels son vaillant chef.

 

La bataille, qui continuera jusqu'au 18 juin, présentée comme une victoire dans toute la presse fut en réalité une victoire à la Pyrrhus dans laquelle un gain territorial presque négligeable et sans aucun intérêt stratégique occasionna la perte de 10300 hommes, tués, blessés, disparus

les pertes de la 121ème brigade pour les seules journées du 6 et 7 juin

 

Yves Marie GLOAGUEN meurt des suites de ses blessures lors de l'assaut du 1er jour, le 6 juin 1915 vers midi, à proximité de la ferme de Touvent, sur le commune de Moulin-sous-Touvent dans l'Oise. Il a 34 ans, il laisse une veuve et un très jeune enfant.

 

Il est inhumé d'abord dans l'environnement du champ de bataille, puis son corps est transféré à la fin du conflit, dans une tombe individuelle - carré B - n°166 (voir tombe ci-dessous) - dans la Nécropole nationale de Tracy-le-Mont (Oise). Cette nécropole de 13.500 m², édifiée en 1920, contient 3.196 corps dont 1.313 en ossuaires. Ces corps proviennent des cimetières provisoires de ... St-Crépin-aux-Bois,... ainsi que des cimetières militaires ... de l'Ecafaut, des Bretons et des Zouaves.

 

Son acte de décès (ci-dessous) est transcrit dans les registres d'état-civil de la Commune de Groix, le 27 septembre 1915.

 

Son nom est gravé sur les différents monuments de Groix.

 

Il sera honoré, à titre posthume, de La Croix de Guerre avec une étoile de bronze.

 

J.O du 16 juillet 1922

Dès la fin d'avril, le bruit court qu'il va prendre part à une attaque. La rumeur se précise en mai, puis les préparatifs commencent. Des sections quittent vers la fin du mois la première ligne pour mettre la main aux terrassements, reconnaître le terrain, s'accoutumer au plein air. On nous fait beaux pour cette fête. Nous voici tout de bleu vêtus, rééquipés de pied en cap. C'est pour le 6 juin. Il s'agit d'enlever le saillant de Quennevières. A hauteur de la ferme de Quennevières, dont les ruines étaient à l'intérieur des lignes françaises depuis sa capture le 31 octobre 1914, le front allemand formait un saillant à la pointe duquel était organisé un fortin.

 

L’objectif consiste à s’emparer d’un seul coup des 1ère et 2ème lignes allemandes, en saillant, sur un front de 1100 m., entre la ferme de Quennevières et Moulin sur Touvent. A partir de là, en bordure du ravin, il faudra élargir la brèche et  prendre l’ennemi à revers. Cette offensive qui prendra le nom de « Bataille de Quennevières » est initialement prévue le 05 juin. Elle sera repoussée de 24 heures.

 

l'assaut du bataillon de zouaves (bat. Charlet)

Du fond des ravins, la nuit monte. Le saillant qu'il s'agissait d'enlever leur appartient. La bataille est achevée. Il ne reste plus qu'à consolider les positions. Le 5ème bataillon s'y emploie de son mieux, tout en refoulant quelquefois d'assez vigoureuses poussées. Dans la nuit du 7 au 8, notamment, un des barrages, qui s'appellera plus tard le Barrage des Bretons, est violemment pris à partie. Pendant six heures, les grenadiers, encore novices tiennent vaillamment à leurs postes.

 

Les travaux, malgré cette alerte, ne laissent pas de prendre figure et si ce n'est pas un secteur de tout repos qui est transmis à la relève, le 8 au soir, c'est, du moins, un système de tranchées où l'on peut attendre de pied ferme la contre-attaque des vaincus.

 

Du 6 au 8 juin, le régiment avait eu 26 tués dont le soldat Yves Marie GLOAGUEN, 88 blessés et 9 disparus. Le 265ème est relevé dans la nuit, et retourne dans les carrières d’Ecafaut.

 

monument en l'honneur des régiments qui ont combattus à Quennevières en juin 1915