L'occupation de l'île est très ancienne; Avant même qu'elle soit une île des hommes y passent. (Y vivent ?).
Comme on vient de le voir ce morceau d'océan, vestige "d'un Atlantide mythique", n'a donc pas toujours été une île. Il y a encore 12.000 ans, l'océan est bien plus éloigné du rivage qu'il ne l'est aujourd'hui; devant le littoral actuel, la dépression, bornée par une ligne de hauteurs, coupe les cluses des rivières: le Blavet, grossi du Scorff et de la Laïta, la rivière d'Étel. Une transgression marine, 1.000 ans plus tard, rapproche le littoral au pied d'un plateau rehaussé. Encore 2.000 ans et la transgression qui s'est poursuivie, pénétrant par les lits des rivières, contourne le plateau qui devient presqu'île et noie la dépression arrière alors que les vallées fluviales se retrouvent sous la mer.
Des traces isolées (2 bifaces recueillis au sud de Groix) témoignent d'une présence humaine, il y a 40.000 années, sur ce territoire qui faisait encore partie du continent. La chose est sûre, ces ancêtres paléolithiques, chasseurs et pêcheurs, ramasseurs de coquillages, n'étaient pas des insulaires. Il est difficile de dire s'ils appartenaient à la race des homos erectus qui domestiquèrent le feu ou plutôt à celle des homo sapiens de Neandertal. Ces traces de présence humaine datent de la "période acheuléenne". Nos acheuléens utilisent ces galets grossièrement façonnés par percussion. Ces premiers outils rudimentaires, comparables à ceux, abondants de la Pointe du Raz au Portugal, utilisés encore de nos jours, par les aborigènes d'Australie, sont parfaitement identiques à ceux découverts à Plouhinec et sur la plage de St Colomban en Carnac. Ces Acheuléens bretons devaient ressembler à l'homme de Tautavel, premier Français qui habitait les Pyrénées, dont ils étaient les contemporains. C'étaient de rudes gaillards avec une capacité cérébrale de 1100 cm3 (2/3 du volume actuel).
Ces ancêtres, peu nombreux, utilisaient bien sûr ces bifaces comme outils. Ces outils bénéficient de constantes améliorations afin de répondre aux impératifs d'un environnement qui ne cesse de se modifier tout au long du Pléistocène. Ces hommes utilisent le feu et tuent de plus en plus d'animaux et des bêtes de plus en plus puissantes. Les deux bifaces, l'un en quartz et l'autre en quartzite, trouvés à Porz Morvil, sont passés entre les mains de ces lointains ancêtres qui ne vivaient alors que de chasse et de cueillette.
Étaient-ils de passage en ces "terres du bout du monde" ou demeuraient-ils en permanence sur ces rivages, aucun site de regroupement n'ayant été retrouvés ? Assurés d'une présence très ancienne sur cette terre, pourquoi ne trouve-t-on pas de traces de présence humaine après cette période et avant le mésolithique ? Pourquoi pas d'outillage du paléolithique moyen et supérieur, comme celui de "type moustérien" par exemple, quand l'homo sapiens sapiens supplante, ou fait disparaître, l'homme de Neandertal ? Les dernières glaciations du Pléistocène moyen et supérieur ont sans doute terriblement bouleversé la géographie. Si les sites ont existé, ils se sont retrouvés à plusieurs reprises sous les eaux et il est probable aussi que les hommes ont fuis lors de la glaciation au paléolithique supérieur.
À la fin de la dernière glaciation, il y a 12.000 années, le niveau marin s'élève et Groix devient une île. L'ancienne zone littorale s'effondre complètement, le plateau est devenu une île. Quand exactement ? L'île est alors occupée par des groupes d'individus, chasseurs pêcheurs itinérants du mésolithique, pratiquant la pêche au harpon et travaillant sur place leur outillage.
Le mésolithique (période entre le paléolithique et le néolithique s'étend des environs de 10.000 ans aux alentours de 5.000 ans av. J-C. Le climat s'améliore nettement depuis la fin de cette dernière glaciation. L'île est définitivement formée, alors que s'achève cette époque. Le réchauffement climatique entraîne une montée des eaux à l'origine de la séparation irréversible de ce morceau de terre, sans doute déjà à l'état de presqu'île (à l'image de Quiberon?). D'aucuns affirment que le tombolo devait émerger au-dessus de la chaussée sous-marine qui, depuis la pointe de Gâvres, prend la direction de l'île. Dès cette époque, l'île est occupée par des hommes (Homo sapiens sapiens), descendants des chasseurs nomades du paléolithique supérieur, qui s'affirment bientôt comme bergers et agriculteurs (1ère explosion démographique). Ils ont laissé deux gisements de silex: pointes, triangles, lamelles, microburins, grattoirs, perçoirs, … (Fons et Trou de l'Enfer.) Il s'agit là de taille très fine d'un outillage qualifié de microlithique. Les sites de Groix étaient-ils de simples gisements de débitage ou furent-ils des zones d'occupation permanente? Qui étaient ces hommes? Certains silex taillés en triangles et en trapèzes pourraient être des armatures de harpons et traduire ainsi la présence sédentarisée de pêcheurs. Eurent-ils le pied suffisamment marin pour rejoindre, à l'aide d'embarcations sans doute rudimentaires, l'île qui venait de naître ou étaient-ce plutôt des descendants de paysans établis sur ce territoire avant que la mer ne l'isolât? Avaient-ils une parenté avec ceux qui vivaient à Hœdic, à Teviec, à Kerjouanno et firent-ils preuve, d'un tempérament agressif ? Peut-être que ceux qui choisirent l'île le firent pour fuir les conflits entre communautés qui semblent prendre naissance à cette époque. Nous savons, par les fouilles de Téviec, que ces "humains" du mésolithique enterraient rituellement leurs morts et qu'ils étaient animés de préoccupations artistiques.
La civilisation mégalithique apparaît, il y a 7.000 ans et dure 3.000 années. Autour du golfe du Morbihan et de Carnac s'est développée une puissante civilisation des mégalithes qui atteint son mystérieux apogée dans les alignements de Carnac. Les mégalithes nombreux, qui sont parvenus jusqu'à nous, illustrent l'évolution culturelle du néolithique et la sédentarisation qu'elle implique. Ses populations, organisées à l'abri de "camps fortifiés", donnent naissance à l'art des pierres levées, qui s'accompagnent d'un extraordinaire culte des morts, et sur l'île de Groix comme sur les territoires environnants. La moitié des monuments, répertoriés Groix en 1825, a été détruite. Les fouilles menées sur plusieurs mégalithes groisillons permettent de les situer dans les étapes du néolithique, même si aucune trace de la présence de leurs bâtisseurs n'a été relevée. En effet, on ne sait pas encore où ils vivaient sur l'île. La datation s'effectue soit à partir des particularismes de leurs formes, soit par les outils ou les objets en céramique qui y ont été découverts. Les travaux d'étude révèlent aussi des réutilisations successives de ces monuments funéraires qui, à certaines époques, serviront même de fosses communes.
On sait qu'au milieu du IVème millénaire, une nouvelle vague de constructions voit le jour. Elle est contemporaine de l'extension vers le nord et l'ouest de la France de la culture "chasséenne", originaire du midi méditerranéen. Agriculteurs et éleveurs, les Chasséens, qui utilisaient un matériel céramique simple mais de qualité, avec une belle diversité de formes, se confrontèrent à la civilisation mégali-thique. Ils s'en accommodèrent. Le mégalithisme prit un nouvel essor. À cette époque apparaissent, surtout sur le littoral sud d'Armorique, de nouvelles tombes. Le dolmen à chambres dénommé "Butten er Harh", situé à 500 m de Moustéro et fouillé au début du XXème siècle, est de cette génération. Entièrement détruit, lors de la dernière guerre, c'était une structure assez complexe de six chambres avec couloir d'accès. Les dalles étaient ornées de crosses, de haches emmanchées, de signes serpentiformes, de cupules. Le mobilier recueilli traduit une occupation qui s'étend de la période chasséenne au néolithique final avec des poteries de type Conguel, découvertes à la pointe de la presqu'île de Quiberon. Pourquoi les Chasséens débarquèrent à Groix ?
Un autre dolmen, situé à 400 m au sud du village de Locmaria, baptisé "Magoër Huen", relèverait aussi de cette époque. Il possède un dallage au sol et la grande dalle porte des cupules. Il fut fouillé et livra quelques vases campaniformes. De cette époque date aussi la très belle hache bipenne découverte dans un champ de St Sauveur. En forme de pirogue, (on la qualifie pour cette raison de naviforme), d'une symétrie parfaite, d'un beau vert foncé, percée au centre d'un orifice de 26 mm afin d'y adapter un manche, d'un poids de 320 g, elle provient sans doute d'une tombe plate isolée. C'est un objet remarquablement confectionné qui témoigne d'une technique parfaitement maîtrisée. Elle atteste du rôle que devait jouer l'île, au titre d'escale de choix, dans les navigations de cabotage au néolithique final. En amphibolite, elle pourrait provenir d'un atelier de la région de Quimper (Kerlevot en Pleuven), où existait un petit atelier de façonnage de haches similaires, d'usage ordinaire ou guerrier. Mais la répartition de nombreux sites de découvertes sur toute la côte atlantique, le long de la Loire, en baie de Somme et de Seine, en Charente, aux Pays-Bas ne conforte pas nécessairement une telle hypothèse.
Une densité relativement importante des monuments du mégalithisme insulaire est la preuve d'une présence humaine non négligeable. Leur grand nombre sur un territoire fort peu étendu confirme que ces hommes-là et ceux qui les suivirent aux âges des métaux furent sûrement des résidents à part entière.
Il y a 4.000 ans (âge de bronze) apparaissent bientôt les premiers forgerons. On sait que tout le littoral sud de la Bretagne, avec celui de la Vendée, sera l'un des sites privilégiés de cette période. À la pointe des Chats, une petite tombe en coffre ainsi que plusieurs monuments funéraires protohistoriques (tumulus à Kermario et Kermunition) et un certain nombre de dépôts métalliques (Men Stang Roh, Trou de l'Enfer) datent de cette époque.
La découverte de la "grand-mère" des groisillons, en 1969, dans une tombe datant de l'âge du bronze ancien, vers 2.000 ans avant J.C., confirme l'occupation protohistorique du site de Port-Mélite. Cette grand-mère est de fait le squelette d'une femme d'une trentaine d'années, inhumée en position recroquevillée, dans une tombe, constituée d'un coffre en dalles de micaschiste, long de 1,10m et large de 0,60m. La disposition de certains os, laisse entrevoir une profanation consécutive à un pillage. À côté du squelette, on découvre une perle en pâte de verre, de couleur bleue, annelée, dite en forme de "tuyau de masque à gaz" de 13,5 mm de longueur, (plusieurs spécimens découverts en Gde-Bretagne mais trois seulement en Bretagne). À Mycènes, mais aussi dans des ateliers du Nord des Alpes, on fabriquait des perles de faïence de ce genre. Mais son origine est plus vraisemblablement atlantique. Si l'énigme n'est pas résolue avec certitude, on s'accorde à affirmer qu'un tel objet devait conférer à son propriétaire un prestige extraordinaire. Le site de Port-Mélite correspond aux besoins des hommes du bronze qui aimaient s'installer en bordure de côte, dans des camps retranchés et protégés par des levées de terre. Quoi qu'il en soit, la présence de cette perle prouve que les échanges maritimes existent déjà à cette époque.
Cela conforte l'idée d'une mer parcourue de navires transportant le cuivre, l'étain, le sel, denrée indispensable et vitale, nous sommes au début de l'empire égyptien.
Des ateliers de bouilleurs de sel ont été reconnus à Kermarec et à la pointe des Chats. C'est au Bronze moyen que se développent aussi les ateliers de fondeurs comme celui qui a été découvert à Kerporlay. La civilisation du Bronze modifia, les pratiques néolithiques qui cohabitèrent assez longtemps avec les nouvelles techniques des premiers forgerons. Mais l'heure des métaux sonna le glas de la pierre. Les hommes du bronze abandonnèrent les tombes mégalithiques au profit des tumuli individuels comme la tombe de Port-Mélite. Ils peuplèrent les rivages et bâtirent les premiers retranchements sur les promontoires rocheux, une pratique qui sera utilisée par les hommes de l'âge du fer quand ils leur succéderont.