Le nom (nom des lieux : onomastique) de l'île a considérablement changé au cours des siècles; et son origine est incertaine. Il a souvent conduit à des débats enflammés entre auteurs. Nous en rapportons un exemple entre Bleimor (J.P. Calloch) et M. M. Josse.
" Dans les textes anciens, on l'appelle "Ronech croy" (ronech: rocher élevé, et croy: marais arrosé par une rivière), puis "Croylan", (lan: terre habitée). Ronech représente bien la géographie de l'île (un gigantesque rocher décapité). Croy correspond à maintes parties de l'île, véritables marais se déversant dans la mer par de petits ruisseaux: vallons de Port Méline, de St Nicolas, de Kerlard, de Locmaria, de St Albin. Croylan vint après Ronech Croy, pour indiquer que les marais étaient habités. Le C se changea en G par altération phonétique, et l'on eut Groy.
Vers le VIème siècle, Groy devient "Enez er Groach", île des sorciers, appellation que justifieraient de nombreux mégalithes "subitement" dressés, grâce à des coups de "baguettes de fées". En 1037, Groach se transforme en Groë.
En 1448, on écrit Groay; au XVIème : Groye; au XVIIème : Grouais, Groa, Groy, Groye, Groix. Parfois, dans un même document, plusieurs orthographes coexistent. Ainsi, fin XVIIème, dans la même lettre, le Comte de Pontchartrain, ministre de la marine, écrit Groe, Grouais, Groix. Au XVIIIème, les actes notariés, les dépêches ministérielles mentionnent l'île, avec les formes nouvelles Groy et Groix.
Tant de vicissitudes finissent enfin, au début du XIXème siècle, par l'adoption définitive de Groix, sans signification propre, simple relation euphonique avec l'histoire de l'île. * Note rédigée par JB MAURICE VINCENT, médecin de 2ème classe de la Marine
Cette étymologie incertaine engendre de nombreux débats, notamment celui entre Bleimor (JP Calloc'h) et Aotrou Judoc (M. JOSSE)
Jean Pierre CALLOCH (Bleimor) écrit: " GROIX ne vient pas de GROUAIS comme l'aventureux M. Josse le prétend; ce sont là deux contemporaines parmi les 14 formes orthographiques qu'a revêtues le nom de l'île au cours des siècles. De ses formes, GROIX est la dernière, non la meilleure, GROA et GROIX les plus fréquentes; GROE la plus ancienne (1037, cartulaire de Quimperlé, cité par Dom Morice). Groisillon est du reste antérieur à Ogée (ministre de la guerre. Arch. anc. 1704. fol 328). Groisillion, juillet 1703. Quant à Enez er Groah (qui ne veut pas dire: île des Sorcières comme l'assure le peu galant M. Josse, mais modestement: île de la Vieille), aucun document, aucune tradition ne donne ce nom à l'île. C'est purement une des étymologies proposées au mystérieux nom GROIX et recueillies pieusement par les guides Joanne ou autres, lesquels, imperturbables comme M. Josse, ne manquent jamais d'ajouter que "l'île est en effet couverte de monuments druidiques". Les dolmens et menhirs n'étant pas plus druidiques que le "druide Bleimor", n'ajoutent aucune probabilité à la thèse GROAH, qui reste une hypothèse."
Et M. JOSSE (Aotou Judoc) lui répond: " Je supplie le farouche insulaire de croire que je ne prends pas les menhirs pour des monuments druidiques, mais je le supplie également de ne pas se fâcher, si j'emprunte l'étymologie "Enez er Grouach" à Ogée et à Souvestre: "aucun document, affirme Bleimor, aucune tradition ne donne ce nom à l'île. "Aucun document, soit ! mais "aucune tradition" ! Pourquoi donc le dictionnaire Ogée dit-il: "Dans cette île, selon quelques antiquaires, habitaient les druidesses. Ce qui appuie cette opinion, c'est le nom "Enez er Grouac'h", île des Sorcières, qui lui fut jadis donné, or l'on sait que dans la Bretagne on a attribué aux magiciennes ou sorcières tout ce qui venait des druidesses " ? BLEIMOR ne permet pas que l' "île de la Vieille" soit l' "île des Sorcières". Qu'était-ce donc cette "Vieille" légendaire ? Ce n'était pourtant ni une servante de curé ni une des quatre contributions. C'était ... Permettez, Bleimor, que je cite Souvestre (La Groac'h de l'île du Lok). Ce nom de Groach ou de Groac'h signifie proprement: vieille femme; on le donnait aux druidesses qui avaient leurs collèges dans une des îles voisines des côtes de l'Armorique et appelée pour cela l'île de Groac'h (dont on a fait par corruption Groais ou Groix. Mais ce nom de Groac'h fut peu à peu détourné de son sens primitif; au lieu de désigner une vieille femme, il finit par désigner une femme ayant puissance sur les éléments et habitant au milieu des îlots, comme les druidesses de l'île, en un mot une fée des eaux, mais de nature malfaisante, comme toutes les fées bretonnes... Mon Dieu ! Je ne considère pas Souvestre comme une autorité indiscutable, j'estime toutefois qu'il raisonnait assez bien et qu'il avait recueilli quelques traditions. BLEIMOR ne manque pas d'érudition, mais sa logique reçoit de temps à autre des coups de vent. Ainsi, pour lui, la forme la plus ancienne de GROIX est GROE. Et il exige qu'on l'appelle Groisillon ! Je comprendrais mieux GROE ...NLANDAIS " . Extrait du " Fureteur Breton " juin, juillet 1910
Voyons aussi l'article de Gildas BERNIER à ce sujet :
" Groë, insula. 1037 (D. Morice I.373): Groy, 1327 (ibid I, 1348): Groye, 1356 paroisse du doyenné des Bois dite aussi d'Ile-de-Groix. Au VIème siècle, Saint Gunthiern ou Gouzierne s'établit dans l'île de Groix: ce fut l'origine du prieuré membre de l'abbaye Sainte Croix de Quimperlé. Sénéchaussée d'Hennebont subdivision de Lorient district d'Hennebont. "De ces intéressantes indications de Rozonzweig on ne retiendra pas l'affirmation que Saint Gunthiern s'est établi dans l'île au VIème siècle car elle se fonde sur une "Vita" rédigée très certainement après le XIème siècle et sa véracité a été très contestée dès le XVIIème siècle par D. Mabillon (cf. les observations des éditeurs du cartulaire de Quimperlé (M de B.). En tout cas ce document nous fournit deux formes du nom de l'île: dans le titre qui relate l'invention des reliques du saint au temps de l'abbé Benoît fils d'Alain Caignard en 1066 on trouve "in insula Groe" et quelques lignes plus loin "venit ad insulam que vocatur Groia"
Il est intéressant de noter que la première graphie connue, celle 1037 et celle de la Vita restituent fidèlement la prononciation moderne en breton: (grwé). Pour la prononciation actuelle en français l'évolution est du même type que celle de (françwé) en (françwa). On note une autre prononciation (grwaj) dans l'ALBB. C'est celle des bretonnants de l'île. L'étymologie du nom a donné lieu à de nombreuses spéculations: le DEF indique dubitativement "p-e bret. gro. plage". Il est faux de dire que "gro" signifie "plage" en breton. Le DBF donne le sens de cordon de galets et parfois de sable au mot qui existe également en gallois. Il se présente le plus souvent sous la forme "groa" qui nous ramène au nom de l'île et le DB donne les exemples suivants: "Groa Eussa, Beg-Groa (à l'île de Batz), Gro Saos à Landévenneg et "l'ur chroa vili", un cordon de galets". Il ajoute Groe, parfois Groae (grwaj) prononciation dans l'île (ALBB) et revoir pour l'étymologie à groa et maen groe. GR donne à "grève": rivage plat et sablonneux de la mer et des rivières, croa, groa, craë, graë v. sable côte rivage groa ou croa ou craë et graë signifient une grève pleine de gros gravier. De là vient groanen pl. groan. gravier;"
Il faut se poser deux questions : tout d'abord, le bon sens permet-il de dire que Groix est caractérisée par des cordons de galets (ou de sable) et que pour une si grande île une pareille caractérisation tient la route. Mais secondement et surtout est-il concevable que Groix soit la seule des grandes îles bretonnes à avoir un nom breton. On objectera peut-être que Belle-Isle en a bien un en breton : "er Gêrveur" qui signifie seulement le grand village (ou camp) je réponds que le nom pré-breton Guédel-Guézel n'a pas disparu et que "ger veur" n'a peut-être jamais désigné tout l'île puisque cc signifie "le grand camp" c'est peut-être la grande citadelle celle du Palais qui était appelée "Haute Boulogne".
Il est possible que Groa comme Vindilis, Siata et Atica nommées par Ptolémée (2è siècle PC) soit un nom indo-européen, mais pré-gaulois. Cette hypothèse m'a été suggérée par le nom de Houat Siata (en gaulois on attendait Suata) et par le fait historique que la Thalassocratie vénète s'explique mieux dans un contexte pré-gaulois. Elle a dû naître et prospérer grâce à des relations, remontant au milieu du premier millénaire avant J.C avec Tartessos et la Galice. Des continentaux comme les Gaulois n'auraient pas su aussi rapidement et si brillamment adopter les techniques nautiques et les pratiques commerciales des pays à vocation maritime s'ils n'avaient eu des prédécesseurs qui furent aussi des initiateurs.
Il est fort possible comme cela s'est passé dans les cas de changement de langue que les Bretons aient compris le nom de Groe, comme le correspondant de leur mot "groë". C'est ainsi que le Croisic qui semble signifier "petite croix", en breton, sens absurde, est la bretonnisation d'un dérivé de la forme ancienne "cruciliacum". On pourrait citer d'autres exemples mais cela demanderait d'amples développements. "