qui résida deux ans et demi à Groix (1883-1885)
INTRODUCTION
Lorsqu'au mois de janvier 1883 nous dûmes venir continuer nos services comme médecin de la marine à l'Ile de Groix, nous cherchâmes dans les vastes bibliothèques des ports de Brest et de Lorient quelque document relatif à notre nouvelle résidence (1). N'ayant rien trouvé, nous eûmes l'idée, dès ce moment, de prendre pour sujet de notre thèse inaugurale ce coin du sol de France où nous étions appelé à vivre, peut-être longtemps, et sur lequel nos successeurs seraient peut-être heureux de trouver quelques renseignements.
Nous recueillîmes alors les notes que nous soumettons aujourd'hui à l'appréciation bienveillante de nos juges.
Dire que le produit de la pêche des insulaires de Groix s'élève en moyenne à 1 500 000 francs par an, que la valeur de leur matériel, grandes chaloupes pontées, canots, filets, engins divers, dépasse 2 100 000 francs, que les inscrits maritimes y sont au nombre de 1 500, c'est faire sauter aux yeux l'importance commerciale de l'île, et expliquer l'intérêt particulier que le ministère de la marine porte à ses habitants.
Division du sujet.
Ce travail (2) comprend trois parties la première, physique, donne l'aspect, la constitution du sol, ses productions, la flore, la faune, le climat, les caractères physique et moral des Grésillons, le mouvement de la population dans les dix dernières années, la natalité, la mortalité, la longévité...; la seconde, médicale, n'est qu'une statistique, avec mention détaillée des particularités pathologiques les plus intéressantes observées depuis deux ans. Enfin, la troisième comprend quelques considérations relatives à la consanguinité. Les habitants se mariant toujours entre eux sont tous plus ou moins parents.
(1) depuis cette époque ont paru... : La Flore de l'île, par MM. Viaut, Grand-Marais et Guyonvarch, et la Géologie, par M. Ch Barrois.
(2) Nous l'avons fait sans guide, sans conseil, et dans notre isolement, sans recherche bibliographique. contribution à la Géographie
PREMIERE PARTIE - ÉTUDE PHYSIQUE.
Historique.
La question de l'étymologie du mot Groix ne peut avoir qu'un très médiocre intérêt. Il nous parait venir du mot breton Groah, qui veut dire sorcière, vieille femme, sans doute en souvenir des druidesses. Au commencement de ce siècle, les habitants portaient le nom de Groisillois, aujourd'hui ce sont les Grésillons.
Les premiers temps de l'histoire de l'île sont fort obscurs. Les monuments mégalitiques (sic) nombreux que l'on y voit encore aujourd'hui, mais qui disparaissent peu à peu, témoignent cependant du séjour qu'y firent autrefois les prêtres des Gaulois, sans pour cela qu'on doive admettre que, comme Ouessant, Groix fût un des centres de propagation de la religion druidique. Vers la fin du Vème siècle, saint Tudy, fuyant la persécution des Scots et des Pictes, qui désolaient l'Angleterre, sa patrie, vint dans l'île de Grouais et y établit le catholicisme. Il est probable que les premiers habitants furent de malheureux pêcheurs, et que son importance fut à peu près nulle pendant tout le moyen âge. Elle appartint aux ducs de Bretagne avant de faire retour à la couronne. Elle fut visitée et pillée à trois reprises :
- 1° par les Hollandais en 1674;
- 2° par les Flamands en 1689; ceux-ci firent naufrage sortant de Locmaria, dont ils avaient incendié a chapelle; par de certains temps la mer fait sur cette côte un bruit vague et lugubre que l'on appelle le cri des Flamands;
- 3° préservée des Anglais par le stratagème. de son curé, l'abbé Uzel (Il rassembla à la côte la population, armée de crocs à gouêmon et de piques, et les femmes vêtues de jupons rouges. L'ennemi saisi de terreur, s'enfuit au large), en 1696, elle fut prise et pillée par eux un siècle plus tard, en 1794. La haine de l'Anglais était encore vivace jusqu'à ces derniers temps.
De nombreux Espagnols durent s'établir sur son territoire, comme du reste sur plusieurs autres points de la côte de Bretagne (île des Maures, pointe espagnole en rade de Brest), et comme le prouvent certains noms patronymiques* communs à Groix, tels que Jégo, (par corruption du mot espagnol Diégo), Davigo, Magado, Pérès, etc..., et aussi l'habitude encore conservée de compter par réal la menue monnaie. Antérieurement à ces incursions, plusieurs grands seigneurs compromis dans la conjuration d'Amboise (1560) vinrent chercher un refuge à Groix et y bâtirent des manoirs dont on voit encore des traces. Ils rentrèrent en grâce, rappelés par la clémence de Henri IV, en abandonnant, dit-on, leurs biens à leurs domestiques; de là, prétend-on, les noms de famille si répandus dans l'île de Bernard, Stéphan, Yvon, Simon, Guillaume, etc .... A la fin du XVIIème siècle, les habitants étaient si malheureux qu'une ordonnance de Louis XIV, en date du 6 avril 1691, porte que « …voulant que ladite île fût habitée par ses sujets pour y demeurer, labourer, la défendre contre tout ennemi, il leur donne décharge de la somme de 388 livres, 2 sols, 4 deniers, en maintenant toutes exemptions accordées par les rois ses prédécesseurs ».
La Révolution fut l'occasion de nombreuses scènes de désordres, puis quelques particuliers devinrent, après la vente des biens nationaux, propriétaires du sol; mais ils durent payer des redevances à la famille des Rohan ou à leurs représentants, jusqu'à 1830, époque à laquelle un arrêt de la cour de Rennes les en déchargea définitivement. Aujourd'hui, chacun possède quelque lopin de terre dont il ne se défait qu'à la dernière extrémité.
(* Note du Webmaster : les thèses défendues concernant l'origine espagnole des noms et les seigneurs de la conjuration d'Amboise sont aujourd'hui obsolètes)
Situation géographique.
Groix est située par 5°48'23'' longitude ouest et 17°38'4" latitude nord, séparée du continent par un détroit d'une largeur moyenne de 15 kilomètres qui s'appelle les Coureaux, à 16 kilomètres du Port-Louis, 30 kilomètres de Lorient.
Importance stratégique.
En raison de sa situation devant l'entrée de la rade de Lorient, Groix a une très grande importance stratégique. Le génie y a fait construire deux forts, ornés de gros canons, dont les feux se croisent avec ceux du continent, pouvant loger une nombreuse garnison et approvisionnés pour de longs mois de vivres et de matériel de toute sorte.
Industrie.
Il existe 3 usines qui fabriquent des conserves de sardines et de thon. Le commerce en détail du poisson, à part celui des crustacés, ne se fait pas à Groix, où il est très difficile à un particulier, ce qui parait extraordinaire, de se procurer du poisson, à moins de l'aller pêcher lui-même. La pêche se vend dans les ports de la côte compris entre Arcachon et Concarneau, où les usines s'emparent du thon et de la sardine, tandis que les autres espèces: soles, turbots, raies, lieux, etc., sont expédiées aux Halles de Paris.
Configuration du sol
Superficie - La superficie de l'île est de 1 500 hectares dont 1200 parfaitement cultivés et 300 environ laissés en friches, dans la partie ouest de l'île, où les vents du large font fureur pendant la plus grande partie de l'année. Il n'y pousse en effet que des bruyères, du thym et de la lande. Mais cette région a dû être labourée à une époque, même peu éloignée, car sous la maigre végétation qui la recouvre, on reconnaît le tracé des sillons et rien ne prouve que l'on ne pourrait encore en tirer parti aujourd'hui. La cause de cet abandon serait moins la stérilité du sol que l'augmentation du bien-être par suite de l'élévation du prix de vente de la pêche, ce qui rend la culture moins attrayante et surtout moins nécessaire. C'est là, à notre avis que l'on pourrait faire des plantations (d'arbres); car à Belle-IIe, qui se trouve dans les mêmes conditions climatériques que Groix, les essais de ce genre ont parfaitement réussi sur une étendue de plus de 400 hectares. Certes, les premiers arbres plantés du côté de la mer auraient de grandes chances de mourir; mais leurs squelettes serviraient de protecteurs à d'autres mieux placés. Il suffirait de faire un choix des essences les mieux appropriées et les plus vivaces. Du reste, si l'on en croit une ancienne tradition, l'île aurait été autrefois couverte de forêts, comme Ouessant et Madère, où l'on ne trouve plus comme à Groix, presque aucun arbre.
L'île est un vaste plateau d'une hauteur moyenne de 30 à 40 mètres au-dessus du niveau de la mer, ayant 8 kilomètres de long sur une largeur moyenne de 2 à 3 kilomètres. Elle a environ 25 kilomètres de circonférence. La ligne de partage des eaux, est Est et Ouest. De chaque côté partent des vallées qui se creusent de plus en plus en approchant du rivage et dont quelques?unes sont très pittoresques. Dans l'Ouest la falaise est très haute, taillée à pic, inabordable du côté de la mer. Elle y présente des curiosités naturelles très remarquables, entre autres le trou de l'Enfer, immense crevasse, étroite de 7 à 8 mètres, et profonde de 40 au moins, longue de 60 mètres, dans le fond de laquelle s'ouvre une grotte qui s'étend, dit-on, sous terre jusqu'au milieu de l'île; et le trou du Tonnerre qui est formé par un éboulement entre deux rochers. La mer en pénétrant dans ce gouffre y produit un bruit épouvantable qui lui a valu son nom. Dans l'Est la côte est moins élevée et présente quelques grèves de sable. Les petites baies qui portent les noms de Locmaria, Port-Mélite, Port-Tudy, Port-Lay, Port-Mélin, sont grandes ouvertes et ne peuvent servir de refuge en cas de mauvais temps, aux nombreuses chaloupes de l'île, qui sont alors obligées d'aller s'abriter dans la rade de Lorient. Pour leur éviter ce très sérieux désagrément, l'Etat fait construire à grands frais un port avec digues et jetées à Port-Tudy. Dans le Sud, à 40 kilomètres au large, on voit distinctement Belle-Ile.
Eau potable - Le nombre des sources est considérable. Beaucoup ne tarissent jamais ; l'eau qu'elles débitent est de bonne qualité, et le plus souvent n'a pas besoin d'être filtrée, c'est ainsi du reste que les habitants en usent. Malheureusement, quelques fontaines creusées en contre-bas des collines, au niveau du sol et sans mur pour les garantir, reçoivent les eaux pluviales impures qui découlent des hauteurs environnantes où le sans-gêne de l'habitant des campagnes a déposé toutes sortes d'ordures; c'est ce qui explique, croyons-nous, la fréquence des vers intestinaux, surtout chez les enfants, Nous avons eu beaucoup de peine à faire comprendre la nécessité de curer fréquemment les puits, et de faire nettoyer les abords de la fontaine principale du bourg où depuis plusieurs années l'on entassait les fumiers, au grand détriment de la pureté de l'eau qui servait à l'alimentation. La crainte du choléra nous a puissamment aidé dans cette circonstance à convaincre ceux qui croyaient le moins à l'utilité de l'hygiène.
Entre toutes, une source avait été signalée depuis fort longtemps, sous le nom de source minérale, comme possédant des propriétés thérapeutiques dues à de sels de fer. Cette source est située à la pointe du Grognon, non loin du phare. Elle coule goutte à goutte, peu abondante, des hauteurs de la falaise sur les rochers et laisse sur son passage un dépôt transparent, légèrement jaunâtre, blanc dans d'autres endroits, de consistance molle et glaireuse. Voulant enfin savoir à quoi nous en tenir sur sa richesse minérale, nous en avons adressé une certaine quantité à M. le Directeur du service de santé du port de Lorient qui en a fait faire l'analyse au laboratoire de l'hôpital de la marine par M. le pharmacien principal Degorce. Cette analyse n'a donné que des résultats négatifs an point de vue de la minéralisation, et il en résulte que ce qu'elle présente le plus remarquable, c'est son extrême limpidité, sa pureté parfaite et son goût agréable. Le limon qu'elle dépose, examiné au microscope, par mon frère, E. Lejanne, pharmacien de la marine, est formé en grande partie par des navicularia en forme de bateau, contenant un endochrome d'un jaune verdâtre ou plutôt olive et par des diatomas vulgaris et fenestrata.
Le sol de l'île étant très accidenté, les eaux trouvent un écoulement facile vers la mer, et forment de modestes ruisseaux qui entretiennent toute l'année de la verdure dans les vallons, alors que les plateaux brûlés par le soleil et par le vent, dépouillés de leur récolte, offrent un aspect nu et désolé dès le commencement de l'été jusqu'aux premières pluies de l'automne. Dans quelques endroits, faute de pente suffisante, il y a des espaces assez vastes qui restent inondés pendant l'hiver et dont le dessèchement aux premières chaleurs n'est pas sans rapport de cause à effet, avec les cas de fièvre intermittente observée chez quelques enfants qui n'étaient jamais sortis de l'île.
Géologie - Il est très probable que Groix faisait autrefois partie du continent voisin; dont la mer dans son travail incessant de destruction l'aura peu à peu séparée*. Cette hypothèse est basée sur ce que depuis la pointe Est, jusqu'à la pointe de Gâvres, en face, il existe une chaîne de rochers dont les Errants sont un anneau visible, mais par dessus laquelle chaîne cependant les plus grands navires peuvent passer facilement. Ce qui donne un caractère de certitude à cette supposition, c'est Ia constitution géologique de l'île et celle du continent de Gâvres à la presqu'île du Rhuys et à l'embouchure de la Vilaine sent semblables.
(* N de Webmaster : cette thèse est aujourd'hui obsolète - voir page sur la naissance de l'île)
glaucophane, parsemé de grenats >>>
Pour plus d'exactitude nous empruntons la description géologique suivante à la brochure de M. Ch. Barrois (Mémoire sur les schistes métamorphiques de l'île de Groix). Les falaises sont formées de gemmes, le sable que l'on foule aux pieds est formé de gemmes, Groix. est un véritable écrin. Mille nuances diverses colorent le tapis où l'on marche, les minéraux les plus variés brillent dans la falaise; le mica blanc nacré s'y rencontre mélangé au quartz, formant de belles roches blanches argentées; la présence du chloritoïde, de la chlorite, de l'amphibole donne naissance à des lits verts, l'épidote formé des lits jaune verdâtre, le fer magnétique ou titané donne des tons d'acier. Toute la gamme des bleus est fourni par la glaucophane, d'un bleu indigo quand elle est seule, elle passe au bleu clair, au bleu gris, au bleu vert, au bleu violet suivant qu'elle est confusément associée aux autres minéraux, ou qu'elle alterne avec eux en bandes plus ou moins épaisses. Le rutile et surtout d'innombrables grenats colorent certains bancs en rouge.
L'examen des falaises démontre que l'île est essentiellement formée de schiste à chloritoïde et d'amphibolites à glaucophane, en couches alternantes: les premiers dominent dans la moitié S. O. de l'île, les autres dans la moitié N. E., la direction dominante de l'ensemble étant vers le N. O.
L'intérieur de l'île est moins intéressant; c'est un plateau d'une altitude moyenne de 30 à 40 mètres, entièrement formé d'une terre argileuse et compacte provenant de la décomposition des schistes. Quelques ravins montrant les roches sous-jacentes permettent de constater qu'elles sont identiques à celles des falaises. Cet ensemble de couches se rapporte à la partie supérieure du terrain primitif, aux schistes chloriteux et talcschistes des Alpes de M. Lory; ils représentent l'étage des talcites cristallifères de Cordier, ou bien ils forment la base du terrain Cambrien. La richesse en minéraux rares des roches de Groix est déjà célèbre, quoique signalée depuis quelques années à peine.
En 1848 M. de Fourcy reconnut que l'île était formée d'un schiste micacé jaunâtre à grandes feuilles de mica; il devient compacte, vert, feldspathique a Kimminéhy où on a pu l'exploiter pour la construction d'un phare. il signale le grenat à Kerduit, du cuivre piriteux, du cuivre gris, du fer hydraté à Saint-Tudy, et enfin avec doute du rutile et du fer titané. La carte géologique de MM. Lorieux et de Fourcy rattache la formation de l'île de Groix aux schistes talqueux cambriens, modifiés par le granit. En 1866, M. d'Ault-Dumesnil cite à Groix le fer oxydulé tifanifère.
C'est M. l'abbé Guyonvarch qui fit le premier remarquer l'extraordinaire richesse minéralogique de l'île, à ce que nous apprend M. le comte de Limur qui eut le mérite de donner la première liste des minéraux de Groix, d'après une collection qui lui aurait été remise par M. l'abbé Guyonvarch. M. de Limur reconnaît dans les roches de l'île: grenat, quartz, fer oxydulé, déjà signalés, mais en outre, rutile, nigrine, ilménite, sphène, crichtonite, sismondine, ripidolithe, talc chloriteux, dolomie, orthose, albite formant un filon-couche près du lieu dit la source minérale. M. l'abbé Guyonvarch a signalé près de ce même point un autre puissant filon d'un minéral manganésifère, formé de pyrolusite concrétionnée, amorphe d'après M. de Limur. Enfin les sables des grèves ont fourni à M. de Limur, spinelle, zircon, dont le gisement n'a pas été encore reconnu.
La géologie n'étant pas notre fait, nous ne suivrons pas M. Barrois dans la savante description qu'il a faite de tous ces minéraux, qu'il a étudiés au point de vue de leurs principes constituants, de leurs caractères optiques, de leur structure, de leur forme, de leur couleur, de leur stratification, de leur occlusion et de leur âge. Ces détails si importants pour un géologue nous entraîneraient hors de notre cadre.
Végétation. Productions. Culture
S'il est vrai que l'île fut autrefois très boisée, on ne trouve malheureusement aujourd'hui que deux ou trois bouquets d'ormes d'assez belle venue, et quelques chênes rabougris au bourg et dans quelques villages abrités. Celle des branches de ces arbres qui sont exposées aux veut violents de S.O. sont généralement arrêtées dans leur développement et l'arbre ne s'étale que du côté opposé. Quelques propriétaires peuvent derrière les murs élevés de leurs jardins faire prospérer des arbres fruitiers qui donnent d'excellentes poires, pommes ou figues. En dehors de ces endroits privilégiés, il n'existe ni fleurs, ni légumes. On trouve seulement sur des murs, très anciens d'ailleurs, des troncs de lierre qui ont acquis un développement énorme, et aussi quelques rosiers maigres, des sureaux autour des maisons, quelques saules dans les vallons. L'absence de bois entraîne la très grande cherté du combustible; aussi l'habitant peu fortuné fait-il feu de tout de ce qui brûle des mottes artificielles, faites de bouses de vaches et de crottin de cheval délayés et mélangés de paille hachée, puis séchées contre les murs donnent une chaleur continue et douce, sans odeur désagréable. Leur usage est général sur la côte sud armoricaine. On laisse aussi pousser l'ajonc dans certains terrains médiocres pour servir plus tard de bois à feu.
La surface de l'île est cultivée avec le plus grand soin à l'exception de la partie Ouest, et depuis le mois de mars jusqu'au commencement de juillet, mais alors seulement, elle offre l'aspect d'un immense tapis de verdure. Relativement très fertile, grâce aux nombreux engrais marins dont on recouvre le sol, elle produit en céréales beaucoup plus qu'elle n'en a besoin pour son alimentation; on cultive sur une grande échelle : 1° le froment: trois variétés: l'hybernum, l'aestivum, l'aristée, à épis bleuâtres et quadrangulaires; 2° l'orge, dont on ne se sert guère plus, comme on le faisait autrefois pour faire du pain, mais que l'on exporte pour la fabrication de la bière au continent, où elle est très appréciée, 3° les pommes de terre, d'excellente qualité ; 4° les pois très sucrés, petits et tendres, mais qui deviennent noirs par la cuisson ; 5° différentes espèces de trèfles ; 6° la vesce commune. Ici pas de champs séparés. Les sillons labourés se touchent à perte de vue sans autre séparation que le ruisseau laisse entre eux pour l'écoulement des eaux. Tracés en long ou en travers suivant la pente du terrain, ils sont très hauts et l'on se demande si ce n'est pas un artifice pour agrandir la surface de la terre labourable. (La corde étant plus courte que l'arc.) Quoi qu'il en soit, la nature du produit cultivé varie chaque année toujours dans le même ordre : après l'orge, le sillon reçoit des pommes de terre et après celles-ci du froment. Les engrais se composent, outre le fumier des étables et les têtes de sardines provenant des usines, des diverses espèces de goémons que les femmes recueillent à la grève, à grand'peine, qu'on laisse se putréfier sur les hauteurs à l'abri de la mer et que l'on porte ensuite par petits tas sur le terrain sec et nu, aussitôt après que la récolte est faite. Ceux?là seuls peuvent se faire une idée des odeurs nauséabondes que ces matières en putréfaction répandent dans l'atmosphère, qui sont venus à Groix dès le milieu de l'été, époque à laquelle on s'empresse d'en couvrir la surface de l'île. L'air n'y est plus respirable et, l'été dernier, il fallut un arrêté préfectoral pour empêcher cette exhibition prématurée.
Les femmes seulement et les vieillards sont chargés des travaux des champs.
Les routes qui relient entre eux les 34 villages sont en mauvais état. Défoncées par les lourdes charges pendant l'hiver, nous savons par expérience que quelques-unes sont impraticables. La terre, imperméable, n'absorbe pas les eaux de pluie qui forment, çà et là, de larges flaques, pour constituer plus loin une boue glissante et collante qui rend la marche excessivement pénible.
Flore.
D'après les recherches botaniques de MM. Viaud, Grand-Matais et Guyonvarch, le nombre des plantes vasculaires s'élève à 450 environ. Des herborisations plus suivies, faites surtout parmi les moissons dans les mois de juin et de juillet, feraient probablement d'après ces auteurs remonter ce chiffre à 500 au moins. Ils se proposent aussi de dresser le catalogue des lichens. Parmi les champignons une espèce très répandue pendant l'automne est le champignon rose.
On trouve, comme nous l'avons dit, quelques arbres fruitiers et quelques plantes d'ornement qui demandent à être abritées. L'orme (ulmus vulgaris) est le seul arbre qui offre une végétation de quelque vigueur. On rencontre dans l'île les plantes qu'indiquent la constitution de son sol et sa situation: l'ulex eutopeus avec ses inséparables erica et cuscuta, deux espèces de polygala, le glaucium luteum qu'on trouve sur les côtes de Bretagne, des arenaria, des sedum, des cypéracées nombreuses.
Faune.
Chaque ménage grésillon, ou peut s'en faut, possède de nombreux poulets, un cochon qu'il engraisse avec sollicitude, une ou deux vaches,et un cheval. On se demande, devant la rareté du fourrage comment ces derniers animaux peuvent arriver à résoudre le problème de l'existence. L'hiver, ils vivent, on ne saurait dire de quoi; aussi arrivent-ils à un état de maigreur extrême; et ce sont ces vaches étiques, probablement tuberculeuses quelquefois, qui fournissent la viande de boucherie que la plupart des habitants consomment. Les chevaux viennent tous du continent. Il n'y a pas une seule jument dans l'île. Les moutons font complètement défaut; cependant rien ne serait plus facile que d'en élever de nombreux troupeaux, comme cela se fait dans les terrains incultes d'Ouessant où on en compte de 5 à 6 000; quelques chèvres, quelques ânes. Les autres animaux sont le chien, le rat très répandu, la souris, le lapin qui pullulait autrefois dans les trous des rochers et a été détruit presque complètement par les braconniers. Aucun autre gibier à poil.
Les oiseaux sont représentés par une immense quantité d'alouettes, dont une espèce huppée, des moineaux, quelques pigeons sauvages plus petits que le ramier, de couleur grise, qui vivent en troupe dans la falaise et s'y reproduisent, des goélands que chasse le mauvais temps du large, des corbeaux qui l'hiver viennent s'abattre chaque matin sur l'île et retournent le soir au continent, quelques pies, des vols de vanneaux et de pluviers dorés, quelques autres oiseaux de passage, des cailles dans les blés en juillet, des bécassines dans les roseaux et les mares des sillons, des bécasses dans les ajoncs, des grives, des merles, quelques tourterelles au printemps, enfin des canards sauvages que l'on trouve par milliers dans les Courreaux par les temps froids d'hiver et quelques rares oiseaux de mer sur les plages, quelques couleuvres, crapauds et grenouilles. Rien de particulier pour les insectes.
Antiquités: Menhirs; Dolmens; Camp romain.
On trouve à Groix un certain nombre de monuments qui datent de la plus haute antiquité. L'un des plus remarquables est celui qui porte le nom d'Arch Moustéro, situé au village du même nom, construit en pierres sèches et qui devait être un tumulus. Les menhirs, pierres longues, y étaient nombreux jusqu'à ces derniers temps. Actuellement il en reste encore un très beau, debout entre le bourg et Clavesic. Il a six mètres de haut et trois mètres cinquante centimètres de circonférence à sa base. Il y en avait également à Kergatouarn, à Kermario, au Fort-Lacroix, à Port-Lay; mais, étant venus à tomber, ils ont été utilisés par leurs propriétaires. Enfin des dolmens, tables de pierre, existent à Saint-Albin, à Port-Mélite et dans divers endroits d'où l'on voit la mer des deux côtés de l'île. On a signalé aussi l'existence de deux cromlechs, lieux courbes, ou cercles druidiques à Kerlivio et à Créhal; c'étaient des espaces limités par de grosses pierres placées debout sur trois lignes à peu près parallèles; mais il n'en reste presque plus trace aujourd'hui. Enfin à l'extrémité Ouest, du côté de la mer sauvage, sur un point élevé de 50 mètres environ au-dessus du niveau de la mer, il existe une espèce d'enceinte circulaire connue dans le pays sous le nom de camp des Romains, camp de César, qui a été le sujet de nombreuses discussions entre archéologues et qui paraît vraiment remonter à la conquête romaine. Il y a quelques années, il a été trouvé aux environs de Port-Tudy une grande quantité de monnaies d'or et d'argent à l'effigie des empereurs romains.
Dolmens, menhirs et cromlechs inspiraient jusqu'à ces derniers temps une terreur mystérieuse aux habitants, et la superstition aidant, on ne se hasarde jamais à sortir seul la nuit. Nous avons enfin tout récemment entendu parler d'un souterrain dont l'ouverture serait à Kermouél et s'étendrait jusqu'à Port-Tudy sur une longueur de 2 ou 300 mètres. Mais il n'a pas été exploré.
Population
Caractères physiques de l'habitant.
La population est remarquable par sa force physique et son énergie morale; les hommes avec leurs larges épaules, leur poitrine développée, leur cou épais, leurs muscles saillants, leurs grandes mains élargies par les rudes travaux du bord, leur teint coloré, leur chevelure et leur barbe fournies, sont doués pour la plupart d'une constitution athlétique. Les femmes plus sveltes, mais robustes et bien conformées, ont la taille fine avec des membres bien musclés; élégantes et coquettes, habillées de drap fin et de soie les jours de fête, chaussées de bottines et portant gracieusement une petite coiffe blanche dont les ailes battent de chaque côté des tempes au moindre souffle du vent, elles ne ressemblent en rien au portrait que l'on se fait généralement des femmes et des filles de pêcheurs. Mais le travail de la terre et leur fécondité les déforment rapidement. L'air vif de la ruer ternit vite leur teint ; de plus, leur nourriture,qui se compose exclusivement de laitage et de pommes de terre, étant insuffisamment réparatrice, un très grand nombre d'entre elles sont chlorotiques.
Caractère moral.
Les hommes valides ne passent guère dans leur famille que trois ou quatre mois par année; le reste du temps ils naviguent à la grande pêche. Dès l'âge de 10 à 12 ans, l'enfant embarque comme mousse sur la chaloupe de ses parents. Élevé à l'école de l'endurcissement, il grandit au milieu des dangers, des privations et des misères. Jusqu'au moment où le service de l'État le réclame. Soumis, respectueux envers ses chefs, énergique, infatigable, rompu au métier de la mer qui n'a pour lui aucun secret, le jeune grésillon à bord des navires de guerre est apte à toutes les professions qui demandent de la force, de l'intelligence, de l'adresse, et constitue le type du matelot avec son insouciance proverbiale, son mépris du danger et son dévouement de chaque instant Là il prend des habitudes de propreté, de correction dans sa tenue, qu'il ne perdra plus quand il retournera à ses filets. De retour dans son île, l'esprit d'ordre et d'économie guide désormais sa conduite, il se marie dans son village, car il est très attaché au sol qui l'a vu naître, comme le sont généralement les insulaires, à une amie d'enfance le plus souvent et ne songe qu'à élever sa famille dans le traditions où il a grandi lui même.
On ne connaît pas assez le rude métier qu'exercent ces vaillants marins dans les parages si dangereux du golfe de Gascogne qu'ils parcourent toute l'année par tous les temps. Les chaloupes (On compte à Groix, 150 chaloupes pontées dont la valeur est de 13 009 francs l'une et 62 chaloupes non pontées à raison de 250 l'une), dont ont a une tendance à augmenter constamment les dimensions pour leur permettre du rester au large le plus longtemps possible (Ils conservent leur poisson à leur bord dans des glacières ad hoc.), et de lutter avantageusement contre la tempête, ne jaugent pas moins de (30 à 80 tonneaux, et ont généralement 6 hommes d'équipage l'hiver, et 5 l'été, mousse compris. Très fines dans les dessous et très élégantes de forme, larges dans les hauts, et bien assises sur l'eau, bien gréées, bien mâtées, elles sont pontées et présentent de très bonnes conditions de solidité, de stabilité en même temps que de vitesse. Malgré cela, la mer chaque année en engloutit, un grand nombre. Dès le commencement du mois de novembre, les Grésillons prennent le large et s'en vont draguer le Golfe, naviguant tout exprès sans baromètre pour ne pas être arrêtés dans les ports par ses indications; aussi se laissent?ils à chaque instant surprendre par la tempête. C'est alors, quand l'ouragan se déchaîne que chacun doit faire des prodiges pour lutter contre la mort qui le menace de tout côté. Sombrer sous une lame trop pesante, chavirer sous l'effort du vent ou perdre mâts, voiles ou gouvernail et rester ainsi à la merci d'une mer démontée (3), se briser sur les rochers d'une côte qu'ils ne connaissent pas ou qu'ils n'ont pas vue à temps dans l'obscurité ou le brouillard, tels sont les risques que chaque tempête leur fait courir et que dix fois par hiver ils affrontent pour gagner de quoi vivre pour eux et les leurs. Pendant le mauvais temps, les femmes inquiètes au pays attendent des nouvelles des absents. Nous avons vu pendant le coup de vent du 2 septembre 1883 plus de 200 femmes assiégeant le guichet du télégraphe. Ce jour-là six chaloupes s'étaient perdues corps et biens, 32 hommes avaient disparu, dont 8 mariés qui laissaient 58 orphelins.
Dès que le mauvais temps est passé et que les avaries sont réparées, ils repartent pour la haute mer. On conçoit qu'une pareille population ait conscience de sa valeur; aussi le fond de son caractère est la fierté avec une pointe d'orgueil. Les gens sont polis, affables, et pacifiques. Ils ne sont peut-être pas très hospitaliers pour l'étranger qui vient s'établir au milieu d'eux; de plus les questions d'intérêt prennent souvent devant les tribunaux des proportions très coûteuses, mais les scènes de violence, sauf les cas de rixe par ivresse, peut-être, sont rares ; les attentats contre la vie et la propriété sont à peu près inconnus, et l'on avait pu se passer de gendarmes jusqu'à ce dernières années. Le culte des morts surtout est entré dans les moeurs. Dès qu'un cadavre, ce qui n'est pas rare, est trouvé à la côte, la population tout entière se rassemble et suit pieusement le mort jusqu'à sa dernière demeure. L'inhumation se fait en grande pompe et à frais communs; c'est qu'il n'y a pas de famille qui n'ait perdu en mer quelqu'un des siens, et chacun reporte sur le cadavre rejeté par le flot les sentiments d'affection et de regrets qu'il éprouve pour le parent disparu.
En 1884, une chaloupe démâtée est restée plus de deux heures la quille en l'air, avec quatre hommes dans la chambre, ayant de l'eau jusqu'au cou. Un coup de mer la redressa et, après avoir été deux jours eu perdition, elle fut remorquée par un vapeur espagnol à Santander.
Habitations. Hygiène. Nourriture.
Habitué à laver le pont de son navire chaque matin, le Grésillon lave volontiers à grande eau sa maison et tout ce qu'elle contient. Il fait aussi, comme à bord, largement usage de la peinture à la chaux et les habitations sont ordinairement propres et blanches au dedans et au dehors. L'air et la lumière y pénètrent par de larges fenêtres, et nous sommes déjà bien loin du temps où bêtes et gens logeaient ensemble dans des trous obscurs et fétides, et où les personnes d'une même famille s'entassaient pêle-mêle dans les grands lits à étages et à fermoirs que l'on rencontre encore dans quelques villages de la Basse-Bretagne.
Les hommes, à leur bord, se nourrissent surtout de poisson frais ou salé et boivent du vin au moment des relâches. La nourriture des femmes, presque exclusivement végétale, laisse beaucoup à désirer; l'usage du café et du chocolat est très répandu parmi elles, et il n'y a peut-être pas au monde une localité où on fasse une aussi grande consommation de cette dernière denrée.
Moeurs.
L'ancienne pureté des moeurs disparaît devant les progrès de la civilisation et malgré ses bienfaits; on a compté jusqu'à 7 naissances illégitimes dans la même année. Les femmes sont très attachées à leur religion et au culte extérieur. Les hommes le sont ou paraissent l'être beaucoup moins. On leur a beaucoup reproché leurs habitudes d'ivrognerie, mais ces reproches nous paraissent exagérés, à nous qui sommes bien placé pour en juger, car si, au retour de leurs campagnes de plusieurs mois, ils commettent quelques excès, du moins ne peuvent-ils les continuer longtemps, car à bord de leurs chaloupes ils n'embarquent ni vin, ni eau-de-vie ? Le mal n'est donc pas aussi grave qu'on a pu le dire; ce qu'il y a d'inquiétant pour l'avenir, c'est que le vice semble vouloir se glisser parmi les femmes.
Anthropologie.
Au point de vue anthropologique, le temps nous a manqué pour faire des mensurations exactes des diamètres de la tête et de l'angle facial. Cette étude demande à être faite avec beaucoup de détails et d'exactitude pour être intéressante. Les Grésillons présentent les mêmes caractères ethniques que les autres Bretons, et à part quelques individus établis dans l'île et d'origine alsacienne, qui sont très blonds et de taille élevée, ils appartiennent au type celtique d'une manière à peu près exclusive,
Langue.
Tous parlent le breton, qui est l'ancienne langue celtique. Tous savent cependant le français, qu'ils ont appris au service de l'État et dans les ports qu'ils fréquentent ; mais ils se servent de préférence de l'idiome maternel dans leur intérieur. Quant aux femmes qui ont gardé tous leurs préjugés et toutes leurs croyances au surnaturel, elles affectent, en générai, d'ignorer complètement la langue française, qu'on leur apprend à l'école et qu'elles parlent avec la plus grande répugnance.
Climat
Température
Nous avons seulement résumé les observations thermométriques de l'année 1883, que l'on peut considérer comme année moyenne au point de vue des températures extrêmes . Le tableau que nous donnons a été dressé d'après les registres tenus au sémaphore du Grognon, et est par conséquent d'une exactitude parfaite, On peut dire, à sa seule inspection, que s'il est un climat constant, c'est bien celui de Groix. Le maximum de la température a été observé en août, où il y a eu + 31° un seul jour, et le minimum en mars, où il est descendu à 4°.
Pluie - Nous avons fait également le relevé des jours pluvieux, avec la durée de la pluie en heures et la quantité d'eau tombée pour les années 1876, 1879, 1880, 1881, 1882. En faisant la moyenne de ces cinq années, nous avons par année, 861 millimètres d'eau au pluviomètre avec 696 heures de pluie. Dans l'année 1883, il y a eu à Groix 151 jours de pluie, 532 heures et 608 millimètres à l'éprouvette, tandis qu'à Lorient, pendant la même année, il y a eu 135 jours avec 930 millimètres, à Belle-île, 143 jours avec 570 millimètres, à Vannes, 134 jours et 719 millimètres, et à Hennebont, 144 jours avec 756 millimètres (Observatoire de Lorient.)
Vents - Les vents de beaucoup dominants sont ceux du sud?ouest et du nord?ouest ; les premiers, les plus violents, règnent surtout à l'époque de l'équinoxe; ils sont très humides sans être aussi froids que les seconds, qui sont peut-être plus dangereux par les rafales qu'ils contiennent. Les vents du sud sont rares, mais cependant plus fréquents que les vents d'est, qui sont très secs.
Brumes - Les brumes sont fréquentes l'hiver et persistantes ; aussi les naufrages ne sont-ils pas rares, surtout à la pointe est, où se trouvent des bas-fonds et que les navigateurs prennent souvent pour la pointe correspondante de Belle-Ile.
Hauteur barométrique - Les tableaux du sémaphore donnent 0,775 millimètres, hauteur maximum atteinte en juin, par un temps frais et sec, et 0,742 millimètres, baisse maximum observée en septembre 1883, lors du terrible coup de vent qui fit tant de victimes au large et occasionna tant de dégâts dans les petits port de l'île.
Démographie
Mouvement de la population.
Le recensement de 1876 donnait 4 384 habitants, celui de 1881, 4 660.
Le registre des naissances à la Mairie donne, pour une période de 10 années, une moyenne de 133 par an, celui des décès, une moyenne de 89; mais dans ce chiffre ne sont pas compris les hommes disparus à la mer, dont on ne dresse généralement l'acte de décès qu'après le laps de temps prescrit par la loi.
Les mois de l'année qui donnent le plus de naissances pour une période de 10 ans sont:
- mars, avec 161; - février, 157 ; - juin, 139; - juillet, 131.;
puis viennent : - août, 113; - janvier, 96; - mai, 85; - septembre, 82; - octobre et avril, 66; - novembre, 63, et décembre, 55.
Il y eut
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Ce qui donne un total de 1 337 naissances en 10 ans.
Mariages.
Décès
Tableau des décès en dix ans, de 1874 à 1884, au-dessus de 50 ans.
Mortalité. Longévité.
Sur un total de 803 décès en 10 ans, nous voyons par le tableau ci-joint, qu'il est mort 295 personnes âgées de plus d'un demi-siècle. Ce chiffre nous semble très élevé et fait ressortir la longévité des insulaires; mais ce qui frappe encore davantage, c'est le grand nombre d'individus qui sont arrivés à un âge extrêmement avancé, puisque dans cette même période de 10 ans, il est mort 12 personnes sur 803, âgées de 75 à 85 ans; 32 âgées de 85 à 90; 7 de 90 à 95, et 1 de 95 à 100 ans. Ces chiffres démontrent-ils que le climat est très salubre ? Nous ne le croyons pas. Les hivers sont trop bruineux, les vents trop violents. Ils prouveraient bien plutôt que ces hommes de fer, quand ils ont échappé aux dangers de la navigation et aux misères de leur profession, sont désormais invulnérables lorsqu'ils rentrent dans la vie commune. Quoi qu'il en soit, il nous paraît prouvé qu'il est peu de pays au monde où l'on vive aussi vieux (1).
Combien, hélas! par une triste compensation, meurent dans la force de l'âge, engloutis par la mer ! Il suffit de pénétrer dans le cimetière et d'y lire les inscriptions tumulaires pour voir qu'il ne contient guère que des femmes, des enfants et quelques vieillards.
Les adultes, en grand nombre, ont pour tombeau l'Océan. 174 individus (le chiffre est officiel) ont péri par sinistre en 10 ans, savoir : 1873, 24; 1874, 16; 1875, 15; 1876, 2; 1877, 9; 1878, 2; 1879, 16; 1880, 14; 1881, 16; 1882, 13
et 1883, 47. En dix ans, 174 noyés sur une population de 4 660 habitants !!!.
(1) Le porteur, par intérim, des dépêches télégraphiques est âgé de 87 ans.